Biographie de Didier Comès
Dieter Hermann Comès. Première marginalité qu'on lui refuse : son prénom. A l'école de Malmédy, les frères maristes francisent d'autorité son prénom... pour une meilleure intégration ! Didier se révèle gaucher. L'enseignement d'alors contraignait d'écrire de la main droite. Aujourd'hui, Comès écrit toujours de cette main droite, rationnelle et sociale, mais il dessine de la gauche, intuitive et personnelle. II naît en 1942 à Sourbrodt, dans le canton germanique de la Belgique. Sa mère parle le français et son père l'allemand. Le village lui-même est coupé en deux une partie francophone, une partie germanophone. Son père est réquisitionné par l'armée allemande et envoyé sur le front russe.
Il naît donc en plein chaos aux frontières de la latinité et de la germanie. Bâtard des deux cultures, il garde de son influence germanique un goût du fantastique. A seize ans, contraint de travailler, il est engagé dans une entreprise textile de Verviers comme dessinateur industriel ; travail fastidieux qu'il compense par la musique, son premier " moyen d'expression ". Percussionniste reconnu, il joue dans différents groupes de jazz, belges et américains.
Ce n'est que tardivement qu'il arrive à la bande dessinée. II publie pour la première fois dans le quotidien belge " Le Soir ", en 1968.
Un éditeur bruxellois lui demande alors de réaliser Ergün l'Errant. Cet éditeur fera finalement défaut et c'est " Pilote " qui publiera cette histoire en 1972. Elle marque le début de l'itinéraire d'un grand auteur
qui, au fur et à mesure de ses collaborations à différents journaux, amènera son style à la maîtrise stupéfiante de Silence réalisé pour le mensuel (À SUIVRE). Oui, Comès est un écrivain traceur. Funambule, il progresse lentement, en équilibre entre le réalisme et la caricature. Il étire le trait pour lui donner son pouvoir de suggestion le plus fort. Il ne reproduit pas, il transforme. Il ne restitue pas, il raconte. Et quand il lève sa plume, il est immobile, halluciné comme un hibou. II voit surgir de l'ombre du quotidien les marginaux, les paumés, les nains, les sorcières... tous plus actuels que la lumière du jour. Car lui Comès, l'homme-hibou, voit dans l'obscurité ces emmuraillés du silence, de la non-conformité et du refus. Son attrait pour la sorcellerie tient de son goût du fantastique et du mystère comme de son attachement à toute marginalité. Cette puissance obscure et incertaine est la seule puissance du pauvre, le dernier recours maléfique pour nuire à un autre. Cette actualité de la sorcellerie se retrouve loin de l'asphalte des villes. Elle s'enracine dans notre histoire et nos terreurs et se ramifie dans les campagnes. L'homme-hibou connaît, regarde et raconte. De sa table à dessin, il entend voler la chouette, animal maudit, symbole de nos peurs. Elle est la mort qui par son cri appelle les mourants. Il frémit en l'imaginant clouée sur une porte pour protéger des malheurs et des sorts. La mort et la marginalité constituent la trame de l'œuvre de Comès, du Dieu vivant au Maître des ténèbres, à L'Ombre du corbeau... et à Silence. Sauvage mais amical, l'homme-hibou regarde,
scrute et cherche à rejoindre l'ombre que chacun projette en soi.
Oeuvre magistrale
Dans les Ardennes, un jeune homme muet et simple d'esprit, appelé Silence, est utilisé par Abel Mauvy, exploitant agricole influent, pour des travaux de ferme en ferme. Abel Mauvy malmène Silence. Malgré cela, Silence considère son maître comme son ami. Silence est incapable de haine, de méchanceté. Il est enfermé dans une satisfaction intérieure qui le rend heureux et naïf. Personne ne sait d'où vient Silence. Son âme est pure. Il communique facilement avec les animaux de la campagne, un simple regard suffit pour qu'ils le comprennent.
De lourds secrets de jeunesse pèsent sur Abel Mauvy. Est-ce la raison pour laquelle il s'acharne sur Silence en le faisant plier à sa volonté ?
Sur fond de sorcellerie et de rencontres, Silence va s'ouvrir au monde, découvrir l'amour, ressentir le mal qui pèse autour de lui et le besoin de se venger. La lucidité comme bienfaitrice.
La profondeur des traits des dessins noirs et blancs soulignent la force sombre des thèmes abordés par ce chef d'oeuvre de la BD telles que la difficulté de communication, la différence.
Merci d'aller à la rencontre de Silence. Vous serez conquis.