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À découvrir
Une mise en dessin incroyable d'un classique de la littérature de Cormac McCarthy. Le travail de Larcenet pour illustrer les corps décharnés, les paysages apocalyptiques va de pair avec une utilisation de la couleur qui bien sûr se veut froide et grisonnante pour coller au récit et à l'univers, mais qui sait aussi infuser des tons plus chauds pour évoquer des incendies lointains, une menace imminente ou encore (avec un jaune lumineux) un instant éphémère de bonheur ou de paix.
Le récit est quant à lui tout aussi fidèle, on y retrouve cette économie de mots dans les dialogues,
ce désespoir que le père essaie à tout prix d'éviter à son fils, ce monde que l'on ne peut que traverser et ces personnes croisées en qui on ne peut plus avoir confiance.
Une histoire toujours aussi bouleversante qui se voit sublimée par ce nouveau format.
Aussi puissante que le roman original de Cormac McCarthy, cette adaptation graphique anime les silhouettes du père et de son fils dans une Amérique en cendres. Ces corps perdus dans des plans larges touchent encore davantage que les visages creusés des deux héros qui se détachent de leurs nids de vêtements ciselés à l'excès par Manu Larcenet. En ombres chinoises, leurs silhouettes pleines de l'intention de leurs mouvements, tendues vers leur but si dérisoire, vibrantes et bouleversantes (plus de détails : https://pamolico.wordpress.com/2024/04/26/la-route-cormac-mccarthy-manu-larcenet/)
L'horizon sans fin
La carrière du dessinateur Manu Larcenet est à l'image de l'humain dans toute sa complexité : un véritable clair obscur, contrasté par des créations tantôt lumineuses et douces amères (Le Retour À La terre, Le Combat Ordinaire, Thérapie de Groupes, Les Cosmonautes du Futur), tantôt sombres comme le charbon (Blast, Le Rapport de Brodeck).
L'incursion dans l'adaptation de roman avec Le Rapport de Brodeck, adapté dy roman de Phillipe Claudel, aura montré une chose nouvelle : si Larcenet sait créer, il sait aussi réadapter et raconter avec un nouveau souffle des histoires passées comme peu de dessinateurs peuvent s'en targuer. À la manière du duo Brizzi, voilà qu'il s'attaque à l'adaptation d'un classique de la littérature d'anticipation américaine : La Route, de Cormac McCarthy.
L'humanité n'est plus. Ou tout du moins, elle agonise en divers lieux d'une Terre souillée et noirâtre, expirant de pénibles souffles emplis de cendres. Versée dans un cannibalisme sauvage, les rares fragments de la société humaine arpente sans objectif précis les routes, à la recherche d'une mort prochaine comme d'une survie impitoyable. La Route porte son regard sur le parcours d'un père et de son fils en quête d'un ailleurs aux contours indéfinis. Mais reste-il réellement de l'espoir quand tout est terminé ?
Si le roman de McCarthy avait durablement frappé les esprits à sa parution, la bande dessinée de Larcenet réussi l'exploit d'insuffler un nouveau souffle graphique à ce récit sombre, miroir de nos vices les plus terribles. Il faut dire qu'en ce qui concerne l'exploration de la part sombre de l'humain, le dessinateur est passé depuis longtemps maître en la matière. Tel un chirurgien, il opère des incisions graphiques millimétrées, dévoilant des planches d'une beauté macabre saisissantes, et ausculte au travers d'un trait charbonneux les dérives des émotions humaines.
Aucune planche n'est à jeter dans cette ambitieuse revisite de la Route, et la portée du message, pessimiste mais réaliste à la fois, frappe le lecteur avec autant de force que l'œuvre original. Majoritairement muette, cette épopée à travers les rêves brisés d'une société à la dérive se dévoile par ce qu'elle montre, par les figures burinées de nos personnages, et bien sûr par ce qu'elle dit de nous, tapis au plus profond de nos cœurs.
Car quand il n'y a plus d'espoir et que l'ami d'hier est l'ennemi d'aujourd'hui, il ne reste plus qu'à avancer sur la Route, sans baisser le regard.