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"Parfois le silence règne, nous sommes paisibles et concentrés, la lumière est belle et notre regard vigilant : alors l'émerveillement nous saisit. D'où vient ce sentiment fugitif ? Il ne résulte pas forcément de la nature grandiose de la situation ou du spectacle. Souvent c'est un état intérieur favorable qui nous permet de percevoir une dimension secrète et poétique du monde. Soudain on vit pleinement, ici et maintenant, dans le pur présent.
Cette disposition intime est une conséquence du désir de vivre et de la faculté de joie. Le risque de l'enténèbrement a frappé notre époque mais il faut d'autant plus persister à évoquer l'émerveillement. Car la construction du bonheur, le respect de chaque vie précaire, précieuse et susceptible d'accueillir les plaisirs en même temps que le labeur, sont la marque de notre conception de l'existence.
Ici est notre séjour, y porter un regard attentif est le plus sûr remède contre le nihilisme".
Un "feel-good-book" littéraire !
Dans un contexte général plutôt morose, Belinda Cannone revient avec un nouvel essai autour du sentiment d'émerveillement, après notamment "L'écriture du désir" (Prix de l'essai de l'Académie française, 2001).
Dans ce livre, l'auteure ne cherche à démontrer ni à imposer ses thèses : par l'exemple de ses propres expériences, elle parvient à nous convaincre que l'émerveillement est le meilleur parti face au "nihilisme" actuel. Loin, aussi, la vision naïve et/ou béate de l'émerveillement : la question est abordée, autant à la lumière des poètes et des philosophes astucieusement choisis, qu'à celle, non moins pertinente, de l'auteur. L'émerveillement serait une étape de plus vers le bonheur, un état de concentration, de "vigilance poétique", dans lequel il faudrait être pour capter toute la saveur et la beauté des scènes, parfois banales (ou non), parfois éphémères, de notre quotidien. Le tout porté par une écriture libérée, d'une grande élégance, et surtout d'une grande maturité.