La dialectique de l'ordre et du désordre, véritable moteur tout au long du siècle d'une histoire gorgée le plus souvent de larmes et de sang, elle est pleinement à l'œuvre, de l'adolescence à la vieillesse, dans le parcours d'André Malraux : dans ses premiers choix de vie, dans ses engagements politiques, militaires et culturels, dans ses actions volontiers risquées et hasardeuses, dans sa quête philosophique née de la proclamation de la mort de Dieu et d'une angoisse marquée du signe du nihilisme, dans sa conception de l'art fondant à ses yeux l'aptitude " divine " de l'homme à mettre le monde en question, enfin dans son écriture emportée, elliptique, combinant d'amples ralentis lyriques et de sèches accélérations, une écriture tout en rupture, faite pour épouser l'exigence fiévreuse d'une pensée qui emprunte, pour restituer la totalité contradictoire de la vie à deux langages : " celui de l'apparence... et de l'éphémère ", celui de la vérité, " de l'éternel et du sacré ". C'est avec une grande force symbolique que les Maisons de la Culture dont beaucoup ont décrété un peu trop hâtivement l'échec, ont mis en pleine lumière l'irréductible et féconde dualité de la personnalité d'André Malraux, poète aspiré par les songes et homme d'action soucieux d'efficacité, dont le questionnement n'a cessé de porter sur les rapports ordre/désordre ; destruction/création ; dépendance/indépendance ; sens du sacré/sens de la dérision. Plus précisément sur un utopique équilibre entre ces valeurs, qui lui permettrait de réaliser enfin son unité ou mieux, la " pleine possession de sa plénitude " : " je n'accepte pour ma part, fait-il dire à l'un de ses personnages de l'Espoir, je ne veux accepter aucun conflit entre ceux qui représentent la discipline révolutionnaire et ceux qui n'en comprennent pas encore la nécessité ".