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« La dernière léproserie d’Europe se trouve au sud-est de la Roumanie, au milieu de paysages tout aussi lépreux d’une terre sombre et stérile que n’égaient, ici et là, que les grasses cheminées des centrales hydroélectriques et les vestiges de forêts autrefois immenses. » D’une poigne assurée, Ognjen Spahic braque sa torche sur un pan de l’histoire délibérément passé sous silence. Les mots fusent pour dire ce qui a été tu jusque-là.
Une réalité insoupçonnée et dure affeure, mais à cela Spahic répond par la puissance évocatrice de l’imagination, du rêve, de la poésie. Et très vite, les questions se bousculent : Pourquoi les grilles donnant sur ce parc herbeux restent délibérément closes ? Qui sont ces silhouettes affublées de tuniques blanches, mi-hommes, mi-anges aux ailes meurtries ? Deux homosexuels polonais et roumain, une vieille femme russe, Zoltan le Hongrois et R.
W. Duncan le compagnon de chambre du narra-teur… Autant de corps purulents et décharnés, rongés par la maladie. Autant d’existences allègrement occultées par un pays dont le système politique est entièrement dévolu au maintien du totalitarisme en place. La révolution roumaine de 1989 est en marche. C’est tout juste s’il est possible d’en deviner les premiers signes, par-delà les hauts murs de la léproserie.
Tout de même, un matin, l’effigie de Ceausescu qui domine la cimenterie voisine est malmenée. L’hymne national ne résonne plus sous les voûtes de la grande halle. Parmi les lépreux, tous ne sont plus là pour s’en inquiéter ou s’en réjouir. Certains fauchés par la maladie, d’autres… victimes de règlements de comptes, et gisant sous quelques pelletées de terre encore fraîche. Solitude, incrédulité et maladie tressent une corde au bout de laquelle oscille un terrible huis clos.
Intéressant mais éprouvant
Le cadre de ce roman (la dernière léproserie d'Europe) ne pouvait laisser présager une lecture légère et divertissante. Pourtant, pendant les premières pages de ce huis-clos, la description des pensionnaires, de leurs règles de vie et de leur habitudes n'est pas sans humour. Bien sûr, la maladie et, ce qui va avec, un terrible sentiment d'exclusion, sont omniprésents et ne laissent guère d'espoir. Pourtant, je ne m'attendais pas à une telle noirceur et une telle déchéance. Car malheureusement, la corruption des corps s'accompagne de la corruption des esprits et la violence et la folie prennent le dessus. La tentative de fuite vers l'Occident n'apporte même pas d'espérance car comment nos héros pourraient-ils se réadapter ? Et le souhaitent-ils vraiment ? Les élèments historiques sur la lèpre m'ont semblé très intéressants. Mais à vrai dire, toute la deuxième partie de ce roman a été une épreuve pour moi et j'étais contente de le terminer pour m'engager dans une lecture toute autre ! (février 2013)