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Quand ce soldat atterrit le 10 juin 1920 à l'asile de Rodez,
établissement dirigé par le Docteur Fenayrou, il n'est plus un
inconnu pour l'Administration. Voilà plus de deux années que
cet amnésique, découvert sur le quai de la gare de Lyon-
Brotteaux, le 1 février 1918, passe d'un "hôpital l'autre". Un
simulateur ? Une victime ? Un fou ?!. On croit entendre
quelques mots d'anglais, le nom d'une eau minérale, un
prénom et le nom d'une famille...
Voilà l'énigme
administrativement résolue ! Le dossier est clos et la Grande
Guerre (la dernière) est enfin terminée ! On veut oublier les
1,5 millions de morts, les 4 millions de blessés et les 250 000
disparus. Qu'est ce que cela veut dire ? Anthelme Mangin,
c'est l'identité qu'on lui extirpe, ne doit séjourner que quelques
jours dans l'hôpital de Rodez. Le temps pour l'Administration
de s'en débarrasser.
Mais le docteur Fenayrou est un honnête
homme et ce tour de passe-passe ne le satisfait pas. Il décide
de faire paraître dans la presse nationale un avis de recherche.
Et voilà la guerre qui redémarre, les familles se déchirent pour
un mari, un père, un frère, un fils disparu. Au mépris des
évidences les plus flagrantes, huit centimètres en moins, une
cicatrice qui manque, une date de disparition discordante
toutes ces familles se débattent.
Et comment ne pas
comprendre le désarroi de ces femmes, de ces mères et de ces
soeurs ? Ce sont des victimes de la guerre, elles aussi, à qui il
ne reste que l'absence des disparus.