C’est Ys avec son billet qui m’a donné envie de découvrir cette BD, sélectionnée pour le festival d’Angoulême 2013 et j'espère que moi aussi, à mon tour, je vous donnerai envie.
Pauvre singe que celui-ci ! Voici un animal qui, de sa sortie de la jungle où il était heureux se retrouvera sur un bateau français où, vêtu d’un uniforme de soldat napoléonien, il devra amuser la galerie, avant de vivre un naufrage puis d’aborder les côtes anglaises pour son plus grand malheur. La bêtise humaine va se déchaîner contre lui. Le prenant pour un français (ils n’en ont jamais
vu, ni de singe), les anglais vont le torturer pour obtenir des informations sur une possible invasion de Napoléon, avant de le pendre haut et court.
Quelle abominable scène que celle du rasage de ce singe pour qu’il fasse bonne figure à son procès ! Il y aura bien une âme un peu plus charitable que les autres pour tenter de prendre sa défense. Mais, acculé par la violence et l’envie de sang de ses coreligionnaires, à peine plus éveillé qu’eux, ce personnage devra vite se rendre à l’évidence : il ne peut rien contre la foule.
Ce récit présente donc, vous l'aurez compris, les pires aspects de la nature humaine mais n’est pas dénué d’humour. Barbizan est un personnage clé pour alléger quelque peu la lourdeur du propos par ses insultes hautes en couleur et savoureuses. Mais surtout, il faut attendre la fin pour que le lecteur sourie à nouveau avec ce clin d’œil du jeune héros, Charly, personnage assez particulier de l’histoire, comme vous le découvrirez vous-même je l’espère. Son père, médecin en voyage, et personnage éduqué est le seul, avec 2 des enfants (Philip et Melody), à faire preuve de tolérance et d’esprit d’analyse, de curiosité plutôt que de violence gratuite.
Notons que ce récit est tiré d’une histoire vraie, et il est bon que les auteurs le précisent, car on ne peut que s’en étonner tellement elle est invraisemblable. Et tellement il est triste de voir à quel point l'homme peut être bête, méchant, pour ne pas être plus grossière. Car cette presque fable semble vraiment intemporelle sur son discours.
Quant à la qualité du dessin, je vais reprendre les mots d’Ys pour la décrire : « Le dessin naïf de Jérémie Moreau accentue l’aspect de fable de cette édifiante histoire. Ces villageois abrutis ont des « tronches » vraiment réussies, la caricature soulignant ici l’ampleur de la bêtise. Face à eux, la douceur du singe fend le cœur. »
Voilà, en deux mots : lisez le !
http://nourrituresentoutgenre.blogspot.fr/2013/02/le-singe-de-hartlepool-lupano-et-moreau.html
Saletés de français bouffeurs de grenouilles !
Dans cette BD, Wilfrid Lupano et Jérémie Moreau retracent la légende de la ville de Hartlepool qui illustre le stéréotype bien connu selon lequel les peuples anglais et français se vouent mutuellement une haine éternelle.
Cette légende marque les esprits parce qu’elle est universelle. En effet, au-delà de son contexte particulier, elle nous montre la bêtise humaine dans toute sa splendeur et les mécanismes qui la sous-tendent à savoir : l’ignorance et la peur d’autrui ainsi que le repli sur soi. Et cette bêtise bien sûr est plus que jamais d’actualité ! Aujourd’hui, elle pourrait se traduire par exemple par la xénophobie ordinaire propre à Tata Paulette qui vit dans un bled paumé de 150 habitants au fin fond de la Drôme et qui vous assure sans ciller "n’être pas raciste mais avoir du mal avec les arabes". Le truc qui énerve quoi, mais qui fait rire en même temps tellement le raisonnement derrière est primaire.
Ici, on est clairement plus du côté de la farce, grâce notamment au scénario de Moreau qui s’appuie sur des dialogues savoureux (les logorrhées de Barbizan entre autres, très drôles) ainsi que sur des personnages caricaturaux à souhait (mention spéciale pour le vieux Alf Patterson, une vraie réussite !). Le racisme bête en est d’autant mieux dénoncé. Un mot sur les dessins de Moreau qui sont également assez chouettes, très dynamiques, avec des couleurs vraiment belles.
A noter : cette bande dessinée faisait partie de la sélection officielle du festival d'Angoulême en 2013.