Récompensé par le prix Médicis en 1997, « Le Siècle des Intellectuels » de Michel Winock retrace brillamment et avec vivacité l'histoire des intellectuels de l'Affaire Dreyfus à la mort de Jean-Paul Sartre en 1980.
Le récit de ces affrontements politiques, qui ont opposé des écrivains, des philosophes et des artistes, se structure autour de trois noms qui « symbolisent trois monuments de cette histoire ». Ces trois intellectuels « ont été admirés, détestés, imités ; tous les trois ont marqué leur époque de leur influence, sur plusieurs générations ».
Le premier
est Maurice Barrès (1862-1923) qui va profondément marqué la première période du livre qui débute avec l'Affaire Dreyfus et se conclut avec la Grande Guerre. C'est lors de ce premier événement que naît le terme même « d'intellectuels ». Ceux-ci condamnés à « la défensive » vont s'emparer « d'un magistère moral ». Deux conceptions vont alors se faire face. Une première perçoit l'intellectuel comme l'idéal-type « du clerc dépositaire des valeurs spirituelles et universelles » qui est décrit par Julien Benda dans la « trahison des clercs ». Cette vision est combattue par de nombreux lettrés de la droite littéraire dont Barrès mais également de Brunetière et Maurras. Ces lettrés se posent comme anti-intellectualistes.
L'Affaire Dreyfus est la première période de mobilisation intellectuelle, les années trente vont voir naître la deuxième. Plus largement, la période de l'entre deux-guerres ou les années Gide (1869-1851) vont voir naître un grand nombre de petites revues, de sociétés de pensées. Le libéralisme est vivement combattu par les marxistes mais également par des intellectuels qui entendent incarner une troisième voie qui entend se démarquer du capitalisme et du communisme. Pour ces penseurs, la révolution doit être avant toute chose spirituelle. « Ils soutenaient les exigences de l'esprit dans un monde qui, à leurs yeux, les foulait aux pieds quotidiennement ».
Mais durant l'entre-deux-guerres, c'est la journée du 6 février 1934 qui va véritablement apparaître comme un coup de tonnerre. Un grand nombre d'intellectuels prennent alors conscience du renouveau brutal de l'extrême droite en France. En réaction, le Comité de vigilance des intellectuels antifascites voit le jour. Cependant, les divisions politiques apparaissent rapidement. Dès 1936, lorsque Hitler occupe la Rhénanie. Le Comité se déchire entre les pacifistes (opposants au réarmement qui ne serait rien d'autre que le premier pas effectué dans l'engrenage d'un conflit mondial) et les partisans de la fermeté face à l'Allemagne nazie.
Au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, l'intellectuel moraliste, condamné à l’indécision, s'efface devant l'intellectuel partisan ou le compagnon de route. C'est désormais la philosophie de l'engagement qui va s'imposer à beaucoup. Ces années sont marquées par la figure de Jean-Paul Sartre (1905-1980). Progressivement, les révélations sur les dictatures communistes vont conduire les intellectuels vers l'analyse et la dénonciation du totalitarisme. La Guerre Froide, écrit Michel Winock, « peut apparaître comme une sorte d'éclipse de la raison intellectuelle » puisqu'elle coïncidait avec le renoncement de l'autonomie de pensée au profit d'une raison de parti.
Cette étude passionnante se conclut avec la mort de Jean-Paul Sartre et de Raymond Aron. Pour certains, la disparition de ces deux penseurs sonnent le glas des intellectuels. La télévision a opéré une véritable révolution. Cependant, elle « s'intéresse moins au contenu des discours qu'à la personne de ceux qui les tiennent. » Si bien que la disproportion peut-être grande entre la qualité de l’œuvre et le nombre d'apparitions sur le petit écran. Une page s'est-elle tournée ?
Une brillante analyse !
Le Siècle des Intellectuels
Récompensé par le prix Médicis en 1997, « Le Siècle des Intellectuels » de Michel Winock retrace brillamment et avec vivacité l'histoire des intellectuels de l'Affaire Dreyfus à la mort de Jean-Paul Sartre en 1980.
Le récit de ces affrontements politiques, qui ont opposé des écrivains, des philosophes et des artistes, se structure autour de trois noms qui « symbolisent trois monuments de cette histoire ». Ces trois intellectuels « ont été admirés, détestés, imités ; tous les trois ont marqué leur époque de leur influence, sur plusieurs générations ».
Le premier est Maurice Barrès (1862-1923) qui va profondément marqué la première période du livre qui débute avec l'Affaire Dreyfus et se conclut avec la Grande Guerre. C'est lors de ce premier événement que naît le terme même « d'intellectuels ». Ceux-ci condamnés à « la défensive » vont s'emparer « d'un magistère moral ». Deux conceptions vont alors se faire face. Une première perçoit l'intellectuel comme l'idéal-type « du clerc dépositaire des valeurs spirituelles et universelles » qui est décrit par Julien Benda dans la « trahison des clercs ». Cette vision est combattue par de nombreux lettrés de la droite littéraire dont Barrès mais également de Brunetière et Maurras. Ces lettrés se posent comme anti-intellectualistes.
L'Affaire Dreyfus est la première période de mobilisation intellectuelle, les années trente vont voir naître la deuxième. Plus largement, la période de l'entre deux-guerres ou les années Gide (1869-1851) vont voir naître un grand nombre de petites revues, de sociétés de pensées. Le libéralisme est vivement combattu par les marxistes mais également par des intellectuels qui entendent incarner une troisième voie qui entend se démarquer du capitalisme et du communisme. Pour ces penseurs, la révolution doit être avant toute chose spirituelle. « Ils soutenaient les exigences de l'esprit dans un monde qui, à leurs yeux, les foulait aux pieds quotidiennement ».
Mais durant l'entre-deux-guerres, c'est la journée du 6 février 1934 qui va véritablement apparaître comme un coup de tonnerre. Un grand nombre d'intellectuels prennent alors conscience du renouveau brutal de l'extrême droite en France. En réaction, le Comité de vigilance des intellectuels antifascites voit le jour. Cependant, les divisions politiques apparaissent rapidement. Dès 1936, lorsque Hitler occupe la Rhénanie. Le Comité se déchire entre les pacifistes (opposants au réarmement qui ne serait rien d'autre que le premier pas effectué dans l'engrenage d'un conflit mondial) et les partisans de la fermeté face à l'Allemagne nazie.
Au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, l'intellectuel moraliste, condamné à l’indécision, s'efface devant l'intellectuel partisan ou le compagnon de route. C'est désormais la philosophie de l'engagement qui va s'imposer à beaucoup. Ces années sont marquées par la figure de Jean-Paul Sartre (1905-1980). Progressivement, les révélations sur les dictatures communistes vont conduire les intellectuels vers l'analyse et la dénonciation du totalitarisme. La Guerre Froide, écrit Michel Winock, « peut apparaître comme une sorte d'éclipse de la raison intellectuelle » puisqu'elle coïncidait avec le renoncement de l'autonomie de pensée au profit d'une raison de parti.
Cette étude passionnante se conclut avec la mort de Jean-Paul Sartre et de Raymond Aron. Pour certains, la disparition de ces deux penseurs sonnent le glas des intellectuels. La télévision a opéré une véritable révolution. Cependant, elle « s'intéresse moins au contenu des discours qu'à la personne de ceux qui les tiennent. » Si bien que la disproportion peut-être grande entre la qualité de l’œuvre et le nombre d'apparitions sur le petit écran. Une page s'est-elle tournée ?
Une brillante analyse !