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La vallée était verte, on y avait chassé l'ours et cultivé la terre depuis des temps très reculés. Mais déjà plus rien ne sert de mettre en garde le propriétaire Holm Jolsen contre sa passion d'entreprendre ; il y fera de l'industrie et s'il lui en coûte des hectares de forêt, c'est bien là mince prix pour l'avènement de ce règne éclairé du progrès. Jolsen songe ainsi améliorer les conditions de vie des travailleurs de la région, mais son esprit patriarcal de bienfaiteur ne saurait supporter que le peuple prit lui-même en main son destin.
A ce coup de force contre l'Histoire suivra un regain de misère et la roue aura tourné une première fois sur elle-même. Quant au rêve, il semble le privilège de la fille du propriétaire. Dés son enfance, Ragnhild commerce avec les forces troubles de la nature qui l'amèneront à faire un pacte avec le Grand Malfaisant. Puis son amour portera le nom d'Esaü, ce Pan bohème qu'elle rencontrera dans la forêt humaine de la ville.
Déchirée entre une imagination fantasque, aussi profonde que son passé dynastique, et la triviale réalité d'un monde mécanisé et d'un peuple affamé, elle s'investira tout entière dans l'écriture. Celle-ci lui permettra de conjurer son romantisme noir aux accents de révolte que lui impies cette intrusion des temps modernes. Si Ragnhild Jolsen a bel et bien existé, féministe un peu sorcière, auteur tant gothique que réaliste, Jens Bjemeboe en fait d'abord un personnage attachant dont le mal de vivre valait bien pour une fois la majuscule de notre "Histoire".
