En cours de chargement...
A la fin des années cinquante, les hautes grilles des Chantiers de l'Atlantique libéraient, à l'occasion de départs à la retraite, une excitation inhabituelle. Alors que s'écoulait à la débauche, sur le terre-plein de Penhoët et alentours, le flot pressé des vélos, cyclomoteurs, motocyclettes filant vers Trignac, Herbins, le centre-ville, les bacs de Mindin..., et que s'échauffaient les moteurs des cars ramenant les Briérons sur leurs "îles", des cohortes compactes d'ouvriers fendaient le courant.
Remous et brouhaha de petites troupes fraternelles. Il fallait voir ces cortèges formés au sein des différents ateliers, pour fêter l'un ou plusieurs de leurs compagnons ! Jeune journaliste, j'ai partagé le temps d'une photo et de quelques notes ces instants de camaraderie qui s'exprimaient autour de tables soigneusement dressées dans les cafés, à travers chansons, compliments et remises de cadeaux.
Entre hommes. Seule femme invitée : "ma Nazairienne aux grands yeux noirs / cheveux d'ébène qui brillent le soir". Café de Paris, café des Baléares, Le Chantilly... Je courais à Solex, d'un café et d'un restaurant à l'autre, l'Agfa en bandoulière, faire claquer l'ampoule de flash, dont j'humectais le culot pour mieux déclencher le contact. "Tu prends bien l'orthographe des noms et note aussi les prénoms car en Brière (d'où la moitié des métallos étaient originaires) tout le monde s'appelle pareil : Moyon, Mahé, Vince ou Halgand", m'avait recommandé en souriant Roger Guillet, le chef de rédaction.