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La recherche des fondations de ce qu'il est convenu de nommer sciences sociales commence par un auteur aujourd'hui méconnu. Charles Dupont-White. En 1846, celui que l'on considérait alors comme économiste publia un Essai sur les relations du capital et du travail. Il y analyse les relations nécessairement conflictuelles entre travailleurs et capitalistes, l'antagonisme essentiel du salaire et du profit.
Comment, en dépit du "progrès" des méthodes de production, la part du salaire est aussi faible qu'il est possible aux capitalistes de l'imposer. Comment le libre-échange, pas plus que le bon vouloir des entrepreneurs, ne résoudra la question de la pauvreté des travailleurs. A la différence du matérialisme de Sismondi, la pensée de Dupont-White est nourrie d'idée morale. Or, tandis que Jean-Baptiste Say et Frédéric Bastiat imposaient en France les thèses optimistes du libéralisme, Dupont-White en appelait à l'Etat pour protéger les travailleurs contre les "castes privilégiées".
Ainsi qu'il l'écrivait dans un autre ouvrage. L'individu et l'Etat. "La dépouille des castes est assez riche pour faire l'individu plus libre en même temps que l'Etat plus puissant". Dupont-White ne fut pas étatiste absolu. Il considère que l'Etat doit agir à proportion des besoins : les Français avides de places et de distinctions créent peu de richesses, l'Etat doit y suppléer. Ici Dupont-White rejoint Tocqueville, au moins dans la lucidité.
Cet homme de bien, qui ne voyait de liberté pensable que dans les droits des travailleurs, étrangement, ne fut jamais cité par Marx. Cette réédition d'un ouvrage fondamental dans le conflit du dix-neuvième siècle, d'après l'édition originale, est précédée d'une présentation critique par Philippe Riviale, auteur de l'Enigme du dix-neuvième siècle, qui a fondé cette collection.