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C'est un enfant de Theresienstadt, la tristement célèbre citadelle tchèque dont les nazis avaient fait un lieu de mort. Nous sommes au début du XXIe siècle. Il sort de prison. Il a tué son père, sans le vouloir, lors d'une dispute. En détention, il servait d'assistant au bourreau. Et pourtant, ce tout jeune homme est encore ingénu, romantique même. De retour chez lui, il retrouve le mentor de son enfance, Lebo, qui est né dans le camp et ne l'a jamais quitté.
Ensemble, ils vont s'approprier la citadelle et y créer une improbable communauté New Age. Les touristes occidentaux affluent. Ce sont de jeunes globe-trotteurs obnubilés par la possibilité du mal absolu ou venant sur les traces de parents déportés. T-shirts Kafka, pizzas Ghetto et thérapies de groupe : l'entreprise est un succès, jusqu'au démantèlement du site par les autorités. Le héros parvient à fuir en Biélorussie où, dans le plus grand secret, un groupe d'opposants au régime se prépare à lancer un projet similaire.
Mais les frontières du bien et du mal se troublent soudain, jusqu'au vertige.
Le devoir de mémoire : une invention du diable ?
Partisans de la sanctuarisation des lieux de mémoire de la Shoah, s'abstenir. Pour évoquer le télescopage entre la mémoire officielle et le présent des vivants, Jachym Topol place ces personnages à Terezin, ville que l'histoire a marqué au fer rouge (le camp de transit de Theresienstadt) puis dévasté, après le départ des militaires à la fin de la guerre froide. Livrés à eux-mêmes, ignorés des projets gouvernementaux centrés sur la seule préservation du Mémorial, des habitants s'emparent de cette mémoire pour en faire le commerce, dans une joyeuse pagaille sentant bon la communauté new age. Mais d'autres les observent, et détournent le projet à des fins bien plus terrifiantes et sordides. Avec cette dérision jamais irrespectueuse qui caractérise nombre d'auteurs tchèques, l'auteur nous invite à réfléchir sur ce que nous faisons, au sein d'une Europe artificiellement réunifiée, de cet épisode particulièrement tragique de l'histoire, qui ne saurait pourtant se figer en une expérience unique et un discours officiel. Il pose aussi la question du rapport à la mémoire collective, et de la nécessité pour la jeunesse de se dégager du poids du passé, fût-il éminemment respectable, pour construire son propre avenir.
Un livre vivifiant.