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" La Grande-Bretagne est un pays qui met ses traîtres ordinaires en prison mais laisse les traîtres gentlemen au palais de Buckingham ! " s'exclamait le député Hamilton en 1979. La Chambre des communes venait d'enterrer l'" affaire Blunt ", bien que Margaret Thatcher eût reconnu que Sir Anthony Blunt (1907-1983), l'un des plus grands historiens d'art du XXe siècle, inspecteur des tableaux de la reine, grand spécialiste de Poussin et de baroque italien, avait été un espion à la solde de Moscou.
Les Français férus de services secrets et de guerre froide connaissent les noms de Burgess, Maclean et Philby, " les traîtres de Cambridge ". En réalité, le trio fut un quatuor, même si Blunt s'impliqua davantage dans l'étude des arts que dans la pratique de l'espionnage. Dans les années 1920, il était promis à un bel avenir au sein de l'intelligentsia, mais il avait pour credo ces mots d'E. M. Forster : " Si j'avais à choisir entre trahir mon pays et trahir mes amis, j'espère que j'aurais le courage de trahir le premier.
" En outre, son homosexualité le faisait rêver à une société affranchie des tabous. Devenu marxiste à sa façon, il livra des informations aux Soviétiques à la faveur de la guerre, quand il obtint un poste au sein du contre-espionnage britannique. Soupçonné des 1951 par les Anglais, il passa très discrètement aux aveux en 1964 en échange de l'immunité. Ce fut le secret le mieux gardé d'Angleterre jusqu'en 1979, et Blunt ne connut ni la prison ni l'exil.
Apres tout, ne s'était-il pas toujours considéré comme un parfait gentleman parmi d'autres gentlemen dans ce roman d'espionnage qui est aussi une histoire culturelle de la Grande-Bretagne au XXe siècle ?