Jean-Louis Maunoury, romancier mais surtout poète dans l'âme, achève avec ces Divines insanités le monumental triptyque où il a rassemblé depuis dix ans l'essentiel de l'opus " nasreddinien " - ouvrage commencé avec Sublimes paroles et idioties de Nasreddin Hodja (Phébus, 1990) et poursuivi avec Hautes sottises ...(1994).
Le fruit de cette ultime moisson d'histoires irrévérencieuses, où l'absurde le dispute à l'inconvenance, déborde largement le cadre turc. Car le malicieux Nasreddin, toujours par monts et par vaux à califourchon sur son âne, est un citoyen du monde avant la lettre. On le retrouve chez lui aussi bien dans le Caucase, en Ouzbékistan, aux frontières de la Chine - et, plus près de nous, en Ukraine, en Bulgarie, en Bosnie. Partout sa verve rabelaisienne fait merveille.
Dans ce volume domine hautement (ou bassement, comme on voudra) l'influence de la secte soufi des Bektashi, ces mystiques un peu cousins des cyniques Grecs, qui privilégient la " voie du blâme " et cherchent à se rapprocher du ciel en bravant tous les interdits : l'on boit, l'on fornique, l'on scatologise à souhait, soucieux d'abord de se distinguer des braves gens qui croient pouvoir acheter le salut en faisant étalage de vertu.
On l'aura compris, nous sommes ici, et mieux que jamais, en plein paradoxe - c'est-à-dire, sans doute, au cœur de la vie. On nous invite à rire, on nous assaille sans vergogne au-dessous de la ceinture, mais surtout on nous invite à nous méfier des apparences et à garder l'œil ouvert.