L'auteure met en garde le lecteur dans une note en début de roman : "Ce n'est pas dans Blonde, qui ne se veut pas un document historique, qu'il faut chercher des faits biographiques concernant Marilyn Monroe [...]" Dont acte.
Ainsi, dans ce roman, la vie de Norma Jeane est réinventée par l'écrivain. De ses nombreux foyers ou elle fut placée enfant, de ses nombreux films, Mme Oates ne parle que de quelques uns, les placant sous le signe des Gémeaux.
Car ce que l'auteure met en lumière, c'est cette double personnalité de la femme : à la fois Norma Jeane dans la ville, que personne
ne reconnait, ou presque ; et Marilyn devant une caméra, l'actrice-née perfectionniste à l'extrême.
Elle est aussi l'éternelle petite fille qui cherche son papa, sa mère ayant toujours refusée de lui donner le nom de son père ; la petite fille qui réclame l'amour de sa mère, inlassablement. Elle est également la femme si seule au soir de sa vie, son corps utilisé par les hommes.
Je regrette toutefois - mais c'est un parti-pris de l'auteur - qu'il n'est pas été fait mention de son état dépressif. Sa dépendance aux médicaments étant décrite uniquement par son besoin de ne pas souffrir de ses règles.
Vous l'aurez compris, l'auteure est très présente dans ce roman et son écriture n'arrive pas à s'effacer devant "le mythe". Trop stylistique, la plume de Joyce Carol Oates est difficile à suivre, changeant de "musique" à chaque nouveau chapitre, ou presque. Ses "synecdoques" sont intéressantes, mais le roman ne bénéficie pas d'une atmosphère propre, dommage.
Certes, "Marilyn" est un personnage complexe, mais dont l'histoire aurait bénéficiée d'une écriture plus simple. J'ai eu l'impression, tout au long de ma lecture, que c'était l'auteure qui cherchait à se mettre en lumière plus qu'à mettre à l'honneur son personnage.
L'image que je retiendrai :
Celle de Cass Chaplin, Marilyn et leur "jumeau" Eddy G. visitant une maison alors que Marilyn est enceinte. Mais Cass et Marilyn perçoivent des ondes négatives dans cette demeure au passé troublé et abrègent la visite.
"si tu me désires, c'est que je ne suis pas"
Haiku écrit par Monroe elle-meme.. Si la condition humaine n'est déjà pas facile, la féminine l'est encore moins ...Marilyne, qui incarnait « LA femme », en sut quelque chose et, comme elle était en plus intelligente (oui, messieurs, ça existe...) et sensible, en ressentit et réfléchit la rudesse et l'injustice dans toutes les fibres de son ame. Joyce Carol Oates lui redonne vie dans cette biographie imaginaire -il se peut que le haiku en exergue soit en fait de Oates ; leurs voix s'entremèlent dans ce livre composé de divers niveaux d'écriture et de style selon les moments de la vie de l'actrice . En lire la préface est aussi très instructif quant au travail de création littéraire- qui fut un des best-seller des années 2000 naissantes... 18 ans plus tard, les évènements « metoo » et « balancetonporc » l'ont rappelé à ma mémoire et je pense que ce livre est à lire, meme si y a pas de blague de blonde dedans. Blague à part, la beauté, l'art, le cinema (et notamment le travail de l'acteur), la création et l'industrie du divertissement, les rapports homme-femme, et bien sur la personnalité passionnante de Monroe sont les thèmes principaux de ce livre à l'écriture parfois oppressante, parfois fluide, un brin ironique (ce qui n'est pas un humour de blonde..), volontairement fragmentaire aussi par moments …. Voici un passage écrit du point de vue de la machine hollyvvodienne, p957 : « MARYLIN MONROE était un robot créé par le Studio. Fichtrement dommage, qu'on n'ait pas pu le breveter. » Et pendant ce temps, Norma Jean Baker se meurt de sa soif intarissable d'amour authentique et de sincère reconnaissance....
Brillant d'un feu qui n'est pas de paille (contrairement aux cheveux de MM à la fin de sa vie), d'une lumière (qui n'est pas de paillettes et de poudre aux yeux contrairement à Hollyvvood) : de la bonne littérature de notre siècle.