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"Dans leur combat pour l'égalité, les Noirs ont tout essayé. Nous avons imploré, nous nous sommes révoltés, nous avons joué les amuseurs publics et épousé des Blancs. Pourtant, on continue à nous traiter comme de la merde. Rien ne marche, alors pourquoi subir une mort lente ? La petite annonce dans le journal du dimanche disait : "Cherchons négro démago capable de guider peuple opprimé jusqu'à la Terre promise.
Rémunération selon expérience. Débutants acceptés. "Etant poète, et donc expert en techniques de coercition de l'âme noire par les sentiments, j'étais on ne peut plus qualifié pour le poste. A cette époque, tout le monde m'écoutait - des intellos aux clodos en passant par la coterie des politicards - aussi, vingt-deux millions d'âmes en déshérence m'ont promu manipulateur à plein temps et père adoptif d'une ethnie à l'abandon.
Les nègres ont alors déferlé sur Hillside, scrutant le smog californien dans l'attente d'un signe annonciateur, et l'Histoire a ajouté mon nom à la bande des messies déjantés qui répondent présent à l'appel de Satan : Jim Jones, David Koresh, Charles Manson et le général Westmoreland. Toute la bande et puis moi. Les pages qui suivent constituent mes mémoires".
Original
Ce roman satirique et parfois loufoque est centré sur le thème de l'identité noire mais aussi de celle des métisses car Gunnar n'est totalement à l'aise ni avec les noirs, ni avec les blancs. La manière dont Paul Beatty évoque ces thèmes est originale d'abord parce que ce roman fait souvent sourire, mais aussi parce que Gunnar ne souffre pas de discrimination, c'est lui qui a du mal à intégrer les codes du ghetto noir. J'ai parfois trouvé que c'était un peu trop loufoque pour moi mais Gunnar est vraiment un personnage attachant et intéressant qui montre que l'identité noire est multiple et qu'un poète cultivé la représente aussi bien qu'un autre. Les personnages secondaires et même ceux qu'on ne fait que croiser comme Wolfgang, l'aïeul qui traçait les inscriptions "réservé au blancs pendant les lois Jim Crow sont très justement croqués. Parmi mes passages préférés, je mettrais la comparaison des photos de classe entre 1923 et 1986. Ajoutons que ce roman est très bien écrit et tout aussi bien traduit par Nathalie Bru.