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"J'ai eu le sida pendant trois mois. Plus exactement, j'ai cru pendant trois mois que j'étais condamné par cette maladie mortelle qu'on appelle le sida. Or je ne me faisais pas d'idées, j'étais réellement atteint, le test qui s'était avéré positif en témoignait, ainsi que des analyses qui avaient démontré que mon sang amorçait un processus de faillite. Mais, au bout de trois mois, un hasard extraordinaire me fit croire, et me donna quasiment l'assurance que je pourrais échapper à cette maladie que tout le monde donnait encore pour incurable.
De même que je n'avais avoué à personne, sauf aux amis qui se comptent sur les doigts d'une main, que j'étais condamné, je n'avouai à personne, sauf à ces quelques amis, que j'allais m'en tirer, que je serais, par ce hasard extraordinaire, un des premiers survivants au monde de cette maladie inexorable".
Pends-toi, Bill...
Il est des livres qui laissent des traces, même des années après les avoir lus... Ce livre, je l'ai lu il y a 17 ans, et il reste pourtant au top de ma bibliothèque.
Le personnage principal, Hervé Guibert lui-même, séropositif, nous parle de son quotidien, de ses difficultés à vivre avec cette maladie, de sa rage de vivre tout en se sachant condamné. De l'illusion, aussi, de ceux qui promettaient des miracles, qui ne se concrétisaient pas... On y retrouve aussi le Paris des intellectuels, durement touché dans les années 80, notamment les très belles pages consacrées à Michel Foucault. Écrit avant l'arrivée des trithérapies, ce livre nous rappelle la dure réalité des années SIDA, durant lesquelles il n'y avait que peu d'espoirs de pouvoir survivre...
Et puis, il y a cette dernière phrase, terrible, vindicative, adressée à celui qui ne lui a pas sauvé la vie, à celui qui lui a fait croire en une guérison et l'a laissé tomber : "Pends-toi, Bill! J'ai retrouvé mes jambes et mes bras d'enfant..."
Un livre fort, juste, à lire absolument, comme un devoir de mémoire...