J'aime beaucoup l'univers d'Amélie Nothomb, et ce roman en forme d'« ego-théogonie » est un de ceux que je préfères. Elle décrit l'enfance d'une petite fille (de 0 à 3 ans), avec un humour complètement décalé, en la glissant dans la peau d'un Dieu, muet et immobile, aux grands yeux scrutateurs, le côté grandiloquent et pompeux du début n'est pas sans rappeler la Bible, mais c'est d'une plus belle écriture. A cause de son attitude contemplative, entièrement tournée vers l'ingestion de nourriture, ses parents la surnomme « La Plante », après les pages exceptionnelles qui
servent d'ouverture au livre, mon deuxième intérêt vient de son lieu de naissance : le Japon. Quelle part d'autobiographie y a t-il dans ce roman ? C'est cette alchimie entre enfance rêvée et réalité qui fait tout l'intérêt du livre, de celui-là en particulier.
La dégustation du chocolat y devient une expérience métaphysique, et une tentative de suicide par noyade lui ouvre un champ de réflexions profondes et perplexes à propos de la mort. Les chipoteurs diront qu'une petite fille de cet âge ne peut avoir une telle maturité, mais c'est bien tout l'intérêt de ce livre, la manière dont son personnage s'exprime se teinte parfois d'un humour noir féroce : « Nishio-san avait vraiment de belles histoires à raconter : les corps y finissaient toujours en morceaux ». Son écriture est agréable, racée, utilisant parfois des mots d'autant plus précieux qu'ils sont passé de mode (j'ai souvent eu recours à mon dictionnaire à la lecture d'un roman de Nothomb, au moins une fois). La phrase est limpide, on sent une recherche de l'épure, typiquement japonaise, et son auto-dérision est rafraîchissante.
« Ceux qui, d'une manière ou d'une autre, ont connu la mort de trop près et en sont revenus contiennent leur propre Eurydice : ils savent qu'il y a en eux quelque chose qui se rappelle trop bien la mort et qu'il vaut mieux ne pas la regarder en face. C'est que la mort, comme un terrier, comme une chambre aux rideaux fermés, comme la solitude, est à la fois horrible et tentante : on sent qu'on pourrait y être bien. Il suffirait qu'on se laisse aller pour rejoindre cette hibernation intérieure. Eurydice est si séduisante qu'on a tendance à oublier pourquoi il faut lui résister ».
God is No Tomb
J'aime beaucoup l'univers d'Amélie Nothomb, et ce roman en forme d'« ego-théogonie » est un de ceux que je préfères. Elle décrit l'enfance d'une petite fille (de 0 à 3 ans), avec un humour complètement décalé, en la glissant dans la peau d'un Dieu, muet et immobile, aux grands yeux scrutateurs, le côté grandiloquent et pompeux du début n'est pas sans rappeler la Bible, mais c'est d'une plus belle écriture. A cause de son attitude contemplative, entièrement tournée vers l'ingestion de nourriture, ses parents la surnomme « La Plante », après les pages exceptionnelles qui servent d'ouverture au livre, mon deuxième intérêt vient de son lieu de naissance : le Japon. Quelle part d'autobiographie y a t-il dans ce roman ? C'est cette alchimie entre enfance rêvée et réalité qui fait tout l'intérêt du livre, de celui-là en particulier.
La dégustation du chocolat y devient une expérience métaphysique, et une tentative de suicide par noyade lui ouvre un champ de réflexions profondes et perplexes à propos de la mort. Les chipoteurs diront qu'une petite fille de cet âge ne peut avoir une telle maturité, mais c'est bien tout l'intérêt de ce livre, la manière dont son personnage s'exprime se teinte parfois d'un humour noir féroce : « Nishio-san avait vraiment de belles histoires à raconter : les corps y finissaient toujours en morceaux ». Son écriture est agréable, racée, utilisant parfois des mots d'autant plus précieux qu'ils sont passé de mode (j'ai souvent eu recours à mon dictionnaire à la lecture d'un roman de Nothomb, au moins une fois). La phrase est limpide, on sent une recherche de l'épure, typiquement japonaise, et son auto-dérision est rafraîchissante.
« Ceux qui, d'une manière ou d'une autre, ont connu la mort de trop près et en sont revenus contiennent leur propre Eurydice : ils savent qu'il y a en eux quelque chose qui se rappelle trop bien la mort et qu'il vaut mieux ne pas la regarder en face. C'est que la mort, comme un terrier, comme une chambre aux rideaux fermés, comme la solitude, est à la fois horrible et tentante : on sent qu'on pourrait y être bien. Il suffirait qu'on se laisse aller pour rejoindre cette hibernation intérieure. Eurydice est si séduisante qu'on a tendance à oublier pourquoi il faut lui résister ».