C’est suite aux avis positifs obtenus lors des Matches de la rentrée littéraire que je me suis intéressée à ce roman. Et grâce à Stellade qui l’a fait venir jusqu’à moi, j’ai pu le découvrir.
Effondré par la disparition d’un jeune moine, modèle de beauté, Michelangelo Buonarroti quitte Rome pour se rendre Carrare. D’autant plus douloureux qu’on devine que Michel-Ange en était certainement amoureux, les sentiments de l’artiste le poussent se questionner sur la beauté et l’art. Il retourne aux fondements, cette pierre de marbre dont il doit choisir les meilleurs
blocs pour créer une œuvre d’autant plus magnifique que son matériau et son artiste relèvent eux aussi du magnifique. Ses obsessions sont à la fois celles de tout le monde et uniques. Celles de tout le monde quand il cherche à renouer le fil de la mémoire par delà le deuil et le temps, pour retrouver le visage de sa mère. Uniques quand elles touchent à la créativité, à l’inspiration de ses œuvres qui en ont fait un artiste de renom.
Michelangelo est un être renfermé, solitaire. Difficile pour lui de communiquer avec les vivants, alors qu’il n’aime rien tant que s’abandonner à son art, à la création, entendre le bruit du ciseau contre la pierre. Un petit enfant un peu pot de colle sur les bords, et un doux-dingue se prenant pour un cheval vont l’aider à sortir de sa coquille, lui permettre de retrouver le souvenir oublié de sa mère, source de sa colère et de son amertume. Lentement, doucement, au fil des semaines qui passent alors que les blocs de marbre sortent de la carrière, la mémoire se reconstruit. Jusqu’à son retour à Rome l’esprit plus tranquille. C’est donc à un voyage intérieur que nous convie Léonor de Récondo.
Une sorte de poésie se dégage de l’écriture de l’auteur, mélange de simplicité et de précision. Est-ce son métier de violoncelliste qui la rend si sensible à la musicalité des mots ? Le lecteur a l’impression qu’ils coulent sans obstacle, déroulant la pensée de Michel-Ange et ses tourments intérieurs. J’ai repensé à Pour seul cortège de Laurent Gaudé car on retrouve le même souci de précision du verbe, ce souffle de vie qui parcourt le roman.
Ce roman porte sur le deuil et la mémoire, sur un génie qui apprend à s’ouvrir aux autres. Si au départ Michelangelo veut rendre la pierre vivante, lui insufflant la vie, ramenant les morts parmi les vivants par le truchement du marbre, il finit par comprendre que la réalite est inverse : les souvenirs le hantent pour qu’il les fige, les transformant en « des souvenirs millénaires fossilisés ». La chair devient pierre.
Comme j’aime si souvent dans les romans, j’ai également croisé des personnages réels qui m’ont poussé à aller chercher un peu plus de quoi il était question. Nous croisons donc ici le pape Jules II et sa commande d’un tombeau sur lequel Michelangelo travaillera pendant 40 ans, sans lui donner au final la forme prévue. On revient également sur l’épisode florentin du règne de Savonarole et son fameux bûché des vanités, dans lequel Boticelli brûla quelques toiles.
Un roman intéressant, qui emporte le lecteur. Après, le petit bémol que j’aurai à formuler est qu’autant j’ai apprécié cette lecture sur le moment, autant je ne suis pas sure de pouvoir m’en souvenir d’ici quelques mois. Ce n’est pas le genre de romans qui fait une grande impression sur moi dans le long terme en général. Il n’empêche que je conseille tout de même de le découvrir.
http://nourrituresentoutgenre.blogspot.fr/2014/02/pietra-viva-leonor-de-recondo.html
Léonor de Récondo
Suite à un deuil, Michelangelo se lance corps et âme dans son travail, le choix du marbre pour le tombeau du pape. Dans les carrières de Carrare, il est entouré d'une galerie de curieux personnages.
Dans ce roman court, d'une beauté et d'une délicatesse incroyables, l'auteur nous parle d'amour (romantique, platonique), d'amitié et du lien maternel. Des thématiques universelles abordées dans une écriture simple et toujours juste, qui ravira autant les amateurs de littérature classique que de roman contemporain.