Edgar Morin avait imaginé écrire une esthétique qui aurait constitué le dernier volume de “La Méthode” son oeuvre-vie. Ce volume n’a jamais vu le jour mais Morin souhaitait refaire ce voyage au coeur de sa culture originelle, littéraire, poétique, musicale qui éclaira son adolescence et dont l'empreinte fut indéfectiblement liée à sa vie.
Edgar Morin, véritable Diderot de notre modernité, est sans nul doute l’un des penseurs français les plus importants de sa génération ; esprit doué d’une curiosité insatiable, son parcours intellectuel s’apparente à
une fabuleuse Odyssée qui l’a conduit sur des rivages où peu se sont risqués, en particulier son exploration des sciences du vivant et sa découverte de la théorie de l'information qui déclencheront l’incroyable aventure de “La Méthode”. Cette esthétique morinienne est donc un nouveau développement d'un cheminement de près de cinquante ans qui vient compléter cette oeuvre plurielle et passionnante.
L’esthétique est le caractère propre de l’art et constitue une donnée fondamentale de la sensibilité humaine. L’esthétique trouve sa racine originelle dans le mot grec “aisthesis” qui signifie sensation, sentiment. Le sentiment esthétique est une émotion qui nous vient de formes, de couleurs, de sons, mais aussi de récits, de spectacles, de poèmes, d’idées. Sentiment de plaisir et d’émerveillement. Morin insiste sur l’état que l’esthétique peut provoquer chez celui qui en ressent les effets, il le nomme “état poétique”. “ L’état poétique est un état second où nous pouvons nous sentir amoureux, admiratif, en communion, émerveillé, transporté, transfiguré, inspiré. Il est à la limite du mystique, sans être pour autant du religieux.”
Le sentiment esthétique nous est fourni par les oeuvres que nous aimons. Morin souligne à ce titre que les avatars de la beauté prolifèrent à la faveur d’une esthétisation généralisée de ce qui était autrefois hors du beau. Rimbaud avait annoncé l’esthétisation généralisée en exprimant son goût pour les baraques foraines ; les surréalistes ont suivi en esthétisant des lieux qui auparavant semblaient prosaïques. Morin nous offre une réflexion passionnante sur la créativité s’interrogeant au passage sur le chamanisme qui accroîtrait les capacités mimétiques du psychisme à travers des transes. Tous les arts sont convoqués par le penseur qui examine leurs spécificités esthétiques et les effets qu’ils produisent sur nous.
Les dernières pages de l’ouvrages s’interrogent sur l’intensité de ce que nous procure le sentiment esthétique qui d’une certaine manière nous augmente, d’où la nécessité de re-poétiser la vie. Pour lui, et c’est un beau message de vie, il faudrait enseigner ce que serait la qualité poétique de la vie et permettre de faire ressentir et donner conscience de ce qu’est le sentiment esthétique, lequel est si rarement reconnu dans son originalité parmi les autres sentiments poétiques, et encore plus rarement conçu dans sa nature anthropologique.
Morin nous le rappelle dans sa conclusion : “La vie n’a pas d’autre sens qu’elle même” Alors vivre pour vivre prend sens en reconnaissant et assumant la qualité poétique de nos vies, qui permet aussi bien la communion, l’amour, la réalisation de soi… Un ouvrage vivifiant où l’on retrouve le meilleur de l’enthousiasme et de l’exigence de la pensée d’Edgar Morin. !
Archibald PLOOM (CULTURE-CHRONIQUE.COM)
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Edgar Morin avait imaginé écrire une esthétique qui aurait constitué le dernier volume de “La Méthode” son oeuvre-vie. Ce volume n’a jamais vu le jour mais Morin souhaitait refaire ce voyage au coeur de sa culture originelle, littéraire, poétique, musicale qui éclaira son adolescence et dont l'empreinte fut indéfectiblement liée à sa vie.
Edgar Morin, véritable Diderot de notre modernité, est sans nul doute l’un des penseurs français les plus importants de sa génération ; esprit doué d’une curiosité insatiable, son parcours intellectuel s’apparente à une fabuleuse Odyssée qui l’a conduit sur des rivages où peu se sont risqués, en particulier son exploration des sciences du vivant et sa découverte de la théorie de l'information qui déclencheront l’incroyable aventure de “La Méthode”. Cette esthétique morinienne est donc un nouveau développement d'un cheminement de près de cinquante ans qui vient compléter cette oeuvre plurielle et passionnante.
L’esthétique est le caractère propre de l’art et constitue une donnée fondamentale de la sensibilité humaine. L’esthétique trouve sa racine originelle dans le mot grec “aisthesis” qui signifie sensation, sentiment. Le sentiment esthétique est une émotion qui nous vient de formes, de couleurs, de sons, mais aussi de récits, de spectacles, de poèmes, d’idées. Sentiment de plaisir et d’émerveillement. Morin insiste sur l’état que l’esthétique peut provoquer chez celui qui en ressent les effets, il le nomme “état poétique”. “ L’état poétique est un état second où nous pouvons nous sentir amoureux, admiratif, en communion, émerveillé, transporté, transfiguré, inspiré. Il est à la limite du mystique, sans être pour autant du religieux.”
Le sentiment esthétique nous est fourni par les oeuvres que nous aimons. Morin souligne à ce titre que les avatars de la beauté prolifèrent à la faveur d’une esthétisation généralisée de ce qui était autrefois hors du beau. Rimbaud avait annoncé l’esthétisation généralisée en exprimant son goût pour les baraques foraines ; les surréalistes ont suivi en esthétisant des lieux qui auparavant semblaient prosaïques. Morin nous offre une réflexion passionnante sur la créativité s’interrogeant au passage sur le chamanisme qui accroîtrait les capacités mimétiques du psychisme à travers des transes. Tous les arts sont convoqués par le penseur qui examine leurs spécificités esthétiques et les effets qu’ils produisent sur nous.
Les dernières pages de l’ouvrages s’interrogent sur l’intensité de ce que nous procure le sentiment esthétique qui d’une certaine manière nous augmente, d’où la nécessité de re-poétiser la vie. Pour lui, et c’est un beau message de vie, il faudrait enseigner ce que serait la qualité poétique de la vie et permettre de faire ressentir et donner conscience de ce qu’est le sentiment esthétique, lequel est si rarement reconnu dans son originalité parmi les autres sentiments poétiques, et encore plus rarement conçu dans sa nature anthropologique.
Morin nous le rappelle dans sa conclusion : “La vie n’a pas d’autre sens qu’elle même” Alors vivre pour vivre prend sens en reconnaissant et assumant la qualité poétique de nos vies, qui permet aussi bien la communion, l’amour, la réalisation de soi… Un ouvrage vivifiant où l’on retrouve le meilleur de l’enthousiasme et de l’exigence de la pensée d’Edgar Morin. !
Archibald PLOOM (CULTURE-CHRONIQUE.COM)