Des sujets durs, le racisme, la ségrégation, l'inégalité entre les hommes face à la loi. Tout débute lorsque la police use et abuse de ses prérogatives face à un jeune homme dans son domicile familial, suspecté d'être un dealer. Consternation pour cette famille comptant trois générations présentes. Tous sont abasourdis, immobiles, muets, la police fait force de loi, c'est bel et bien ce que l'on apprend jeune. Mais la police ne signifie pas forcément justice, là est le dilemme. Pour cette famille, comme tant d'autres, la police fait peur.
L'Amérique reste ancré dans son passif,
le noir est inférieur au blanc, on ne balaie pas des siècles d'esclavagisme, de racisme avec des lois et des paroles en quelques années. Le blanc fait belle figure mais le racisme se terre aux tréfonds de son âme. Malheureusement, cela affecte également les noirs qui ont assimilés cette façon de pensée au fil des années sans s'en rendre compte. Entraînant au sein même de cette famille des tensions face à cette société et les forces de l'ordre. Les gentils ne sont pas forcément ceux que l'on croit, rien n'est ni blanc ni noir. L'histoire de cette famille se joue sur des décennies, le passé et le présent. Mary Lee est le fil conducteur du livre, elle est la mémoire d'une Amérique déchirée par des idées rétrogrades. Cette femme est le pont entre ces deux mondes, elle a vu, combattu. Elle a éduqué ses enfants, elle leur a appris à être fiers d'eux mais comment s'épanouir quand la société vous montre une mauvaise image de soi?
Les faibles et les forts ne doit pas se limiter à la ségrégation américaine, elle doit aller au-delà, regardons la vérité en face, la France des droits de l'Homme ne cesse de décevoir. L'égalité doit prévaloir sur tout, quelque soit ses origines, sa couleur de peau, son ethnie.
Ce titre est une merveille d'écriture, Judith Perrignon nous immerge totalement dans cette Amérique en seulement quelques mots, les personnages prennent vies, on peut les sentir, presque les toucher, on les entend, on fait parti de cette famille.
Noyade interdite
On disait pour l'un de ses précédents livres qu'elle avait une "subtile manière d'entremêler les voix". Cette fois, elle les nomme, les distingue et leur donne la parole chacune leur tour parce qu'elles n'ont pas la même manière de ressentir les choses et pas le même âge ces voix intérieures. Alors leurs voix se suivent autour d'un même événement survenu dans leur vie, Mary Lee, Dana, Marcus, Déborah, Wess... une famille. Un événement qui devait tous les renvoyer à eux même et à un héritage commun. Tous les âges de la vie en quelque sorte avec une même origine et presque une "condition" commune, noire américaine mais sans doute pas tout à fait la même manière de le ressentir bien que parfois la fatalité vous rattrape, vous attend. On est en Louisiane sur trois dates, passées et présentes, et Judith Perrignon d'un fait divers fait un drame parce qu'il ne peut en être autrement et nous joue un blues sublime qui ne devrait pas déplaire aux lecteurs de Toni Morrison. "Oh, Boy !" Drame en trois actes qui ne devrait laisser personne indifférent comme suspendu à quelques vérités qu'on dit aujourd'hui "statistiques" mais qui dans le fond, charrient une histoire profonde et sans appel. Un blues qui ramasse avec une simplicité incroyable l'héritage de plusieurs générations et le drame de toute une population. Magnifique et sans appel !