« Le français de Roseville » d’Ahmed Tiab est un polar dépaysant dont l’histoire se déroule entre la France et son ancienne colonie, l’Algérie C’est l’histoire d’un mec, un mec blanc, fonctionnaire d’origine bretonne qui, du «temps béni des colonies » obtient une mutation à Oran. Arthur Guillot n’a pas grand-chose pour lui. Un charisme de beignet à l’huile de palme, gaulé comme un sprat, s’habillant comme un as de pique, ce médiocre a cependant une ambition d’ascension sociale confinant à l’obsession malsaine
Dans la vie, il y a trois façons de s’élever.
Il y a évidemment le travail ; le « travail rend libre » disait le spasmodique Nagy-Bocsa sur talonnettes à l’orée 2007, reprenant un slogan à la mode en Pologne dans les années 1940. Il y a parfois la naissance avec des parvenus défenseurs de la méritocratie. Enfin, il y a parfois l’arnaque, arme du pervers narcissique, du fainéant magnifique. Son choix s’est porté sur la dernière, entre tentatives de séduction d’une rentière « pied noir » et chantages divers.
L’intrigue tourne autour de deux squelettes retrouvés à Oran sur un chantier de construction en mai 2013. Quand on n’a pas de Vologne à disposition ! Les os sont datés des années 1960, période très apaisée de l'histoire du pays. Très vite, la nouvelle tombe, il s’agit d’un gosse portant sur lui un crucifix et d’un adulte. Kémal Fadil, un policier local aux origines surprenantes prendra l’enquête en main, ému par le sort du petit croisé. Dans un contexte toujours très délicat entre les deux pays, ce flic s’appuiera sur deux collègues français amis de Marseille pour retrouver les noms des cadavres et leurs assassins.
Le polar ne se borne pas à une sempiternelle histoire de meurtres. Jonglant habilement entre deux époques, l’auteur dresse le portrait d’une société algérienne en pleine transformation. Il met l’accent sur la mentalité des « pieds noirs » qui s’autoproclamaient les bâtisseurs de l’Algérie moderne ; faisant fi du passé des indigènes qui, me semble-t-il, n’ont pas attendu « bwana » pour mettre en valeur les terroirs de ces magnifiques territoires. Il n’épargne pas plus les « ratons » dans leurs actes de vengeance post-indépendance. Il fustige, pour finir, l’extrémisme religieux qui a détruit l’élan de liberté inhérent aux révolutions. Ahmed Tiab pourrait sembler amer mais il est en vérité réaliste et très pertinent dans ses analyses.
Imanol SIBERNA (CULTURE-CHRONIQUE)
RECOMMANDÉ PAR CULTURE-CHRONIQUE
« Le français de Roseville » d’Ahmed Tiab est un polar dépaysant dont l’histoire se déroule entre la France et son ancienne colonie, l’Algérie C’est l’histoire d’un mec, un mec blanc, fonctionnaire d’origine bretonne qui, du «temps béni des colonies » obtient une mutation à Oran. Arthur Guillot n’a pas grand-chose pour lui. Un charisme de beignet à l’huile de palme, gaulé comme un sprat, s’habillant comme un as de pique, ce médiocre a cependant une ambition d’ascension sociale confinant à l’obsession malsaine
Dans la vie, il y a trois façons de s’élever. Il y a évidemment le travail ; le « travail rend libre » disait le spasmodique Nagy-Bocsa sur talonnettes à l’orée 2007, reprenant un slogan à la mode en Pologne dans les années 1940. Il y a parfois la naissance avec des parvenus défenseurs de la méritocratie. Enfin, il y a parfois l’arnaque, arme du pervers narcissique, du fainéant magnifique. Son choix s’est porté sur la dernière, entre tentatives de séduction d’une rentière « pied noir » et chantages divers.
L’intrigue tourne autour de deux squelettes retrouvés à Oran sur un chantier de construction en mai 2013. Quand on n’a pas de Vologne à disposition ! Les os sont datés des années 1960, période très apaisée de l'histoire du pays. Très vite, la nouvelle tombe, il s’agit d’un gosse portant sur lui un crucifix et d’un adulte. Kémal Fadil, un policier local aux origines surprenantes prendra l’enquête en main, ému par le sort du petit croisé. Dans un contexte toujours très délicat entre les deux pays, ce flic s’appuiera sur deux collègues français amis de Marseille pour retrouver les noms des cadavres et leurs assassins.
Le polar ne se borne pas à une sempiternelle histoire de meurtres. Jonglant habilement entre deux époques, l’auteur dresse le portrait d’une société algérienne en pleine transformation. Il met l’accent sur la mentalité des « pieds noirs » qui s’autoproclamaient les bâtisseurs de l’Algérie moderne ; faisant fi du passé des indigènes qui, me semble-t-il, n’ont pas attendu « bwana » pour mettre en valeur les terroirs de ces magnifiques territoires. Il n’épargne pas plus les « ratons » dans leurs actes de vengeance post-indépendance. Il fustige, pour finir, l’extrémisme religieux qui a détruit l’élan de liberté inhérent aux révolutions. Ahmed Tiab pourrait sembler amer mais il est en vérité réaliste et très pertinent dans ses analyses.
Imanol SIBERNA (CULTURE-CHRONIQUE)