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Drôle de carnaval chez les animaux
Au seuil de la Vie Éternelle, Elizabeth patiente. À ses côtés, dix animaux tués lors de conflits armés. Aucune âme ne sera autorisée à passer avant qu'elle n'ait fourni la preuve irréfutable de sa foi. Alors pour tromper l'ennui, elles racontent leur histoire. Une moule victime de Pearl Harbour, un ours affamé durant le siège de Sarajevo, un chien fauché sur le Front Est de la Seconde Guerre mondiale, un perroquet mort sous les bombes à Beyrouth en 2006, ou encore une tortue (ayant appartenu à la fille de Tolstoï !) égarée dans l'espace pendant la Guerre Froide...
Pourquoi les animaux suscitent-ils une empathie que nous semblons incapables d'éprouver envers nos semblables ? À travers ces dix trajectoires, et autant d'hommages littéraires - à Jack Kerouac, Sylvia Plath ou encore Colette -, Ceridwen Dovey nous offre une fable malicieuse aux accents philosophiques.
Regard sur le monde animal, victime collatérale de notre absurde brutalité, mais aussi sur l'humanité, cette relecture de l'Histoire contemporaine en dix chapitres nous rappelle le pouvoir de rédemption de la littérature et de l'imaginaire. Animals en dit plus sur nous que nous ne voulons bien l'admettre...
RECOMMANDÉ PAR CULTURE-CHRONIQUE
Ceridwen Dovey est anthropologue et “Animals” est un objet littéraire tout à fait surprenant qui manifeste une incroyable virtuosité narrative et une inventivité qui transporte le lecteur de surprise en surprise. En exergue de cette oeuvre hors norme l’auteur a placé une sentence de J.M Coetzee “ Toute créature est une clé pour toute créature. Un chien en train de se lécher au soleil, dit-il, est un chien à un moment donné et au moment suivant il est véhicule d’une révélation.”
Dix textes, dix révélations, qui composent “ Animals” sont autant de propositions littéraires d’une créativité inouïe qui renoue avec une forme de fable moderne. Dix animaux tués lors de conflits armés doivent donner la preuve irréfutable de leur foi pour accéder à l’éternité. Il fallait oser donner la parole à une moule victime du bombardement de Pearl Harbor : “ C’est ainsi que nous prîmes le large tous les trois, en nous accrochant à la carlingue d’un cargo dont Muss avait dit qu’il finirait bien par nous amener “quelque part”, au moins jusqu’à ce que nous débarquions sur quelque quai de chargement…” Ou encore l’âme d’un ours mort en Bosnie Herzegovine en 1992 : “ Un jour glacial de la fin du mois d’octobre , il rendit l’âme, les pattes enserrant la cage thoracique de l’ourse brune, la tenant tout près de son corps. Dans les enclos voisins, les amas d’ossements – qui jadis avaient été des tigres, des pumas, des léopards, des loups, des lions, avec des coeurs qui battaient et des langues humides – racontaient la même histoire : des compagnes, des compagnons d’une vie dévorée, dans un accès de folie . Des os enlaçant d’autres os, des biens-aimés consumés à la fin par leur amant.” Ceridwen Dovey fait naître l’empathie à partir de situations où les animaux ont destin lié avec l’histoire contemporaine. Avec beaucoup d’habileté et de jolies pointes d’humour l’écrivaine, qui vit actuellement en Australie, parvient à révéler notre humanité à travers le parcours de ces animaux – tortue, chien, perroquet, dauphin, éléphant, chimpanzé - qui doivent finalement affronter des démons qui sont les nôtres. On appréciera aussi les hommages littéraires qui criblent les dix textes avec, en particulier, une très belle lettre à la poétesse Sylvia Plath.
“Animals” est une très belle surprise littéraire, rafraîchissante et d’une acuité profondément déstabilisante.
Archibald PLOOM (CULTURE-CHRONIQUE.COM)