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Damien Bouchon n'a pas encore complété son profil
L'auteur de cette confession avait sans doute besoin d'écrire tout ça, mais avait-on le droit de le publier ? Oui, bien sûr, à condition que l'on puisse prévenir la communauté des lecteurs en disant clairement : vous pouvez passer votre chemin.
Un livre sans forme, un produit qu'on essaie de vendre en sachant que ça ne vaut pas un clou, une absence de souci littéraire qui colle sans doute parfaitement à l'époque.
De quoi ça parle ? De sexualité, pour commencer, de manière très crue, comme on décrirait la manière personnelle que l'on a de remplir un lave-vaisselle,
moi je mets toujours les couverts la tête vers le haut, il m'a semblé qu'ils étaient mieux lavés comme ça, mais mon mari lui ne l'entend pas de cette oreille, heureusement, comme dit ma thérapeute, que je tiens à mon complexe d'Œdipe comme à la prunelle de mes yeux, sinon cette histoire de couverts pourrait être un motif de conflit entre nous...
Je m'arrête là et ce n'est même pas une caricature, à peine une transposition. Je vous épargne l'histoire des vers de sa fille...
Cela parle aussi des angoisses de cette dame, elles ont de bonnes raisons d'être très pesantes, et on lui souhaite de pouvoir vivre avec, mais vraiment, on ne pourrait pas arrêter d'éditer des livres pareils ? Il faut croire que non.
Vous souhaitez vérifier que vous avez le cœur bien accroché ? Ce livre est fait pour vous. Dans la plus pure tradition du polar bien ficelé, vous n'apprendrez l'identité du personnage qui tire les ficelles que dans le chapitre final - à moins que vous ne deviniez de qui il s'agit auparavant, ce qui ne sera pas trop difficile.
Et sinon ? Sinon : une intéressante mise en perspective post-moderne du mécanisme sadien des 120 journées de Sodome dans notre monde numérique, une excursion dans le domaine du sexe virtuel (l'action se situant en 2015, il y a là une très légère anticipation)
et un portrait de groupe des jeunes travailleurs qui forgent cet avenir proche où il sera loisible de se passer de rencontres réelles pour assouvir ses fantasmes.
Le tout écrit selon les canons du genre : sans fioritures, "every dollar on the screen", la traduction mêlant de manière plaisante de l'argot qui fleure bon les années cinquante et du calque syntaxique malencontreux (à moins qu'il s'agisse là aussi d'un hommage aux traducteurs pas toujours inspirés de la Série noire historique...)
Bref : un livre sans surprise mais pas sans qualités. Cette plongée dans les bas-fonds "reloaded" des fantasmes les plus sombres nous pousserait à croire qu'il n'y a rien de nouveau sous le soleil et que Dante et Shakespeare ne sont jamais bien loin, sans parler du divin marquis, mort en 1814, mais dont on ne fêtera pas pour autant l'entrée au Panthéon.
Esprit de Gary, es-tu là ?
Bon, c'est un peu léger, il faut l'avouer, mais pas déshonorant non plus. Un peu maigre, sans doute. On pourrait même trouver ça fade. Mais je ne peux pas me résoudre à ne pas le recommander parce que je partage avec l'auteur son goût pour Romain Gary, son problème avec le bonheur, sa tendresse pour les égocentriques insupportables malgré tout, sa compréhension amusée des pauvres tourments de tous ceux pour qui ça devrait être facile, mais ça ne l'est jamais. On a tous quelque chose d'un personnage de Sempé, en somme.