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Témoignages et anecdotes sont tenus pour subalternes dans la constitution d'un savoir historique parce qu'ils présenteraient l'histoire "en miettes" et n'en permettraient pas l'intelligence. Prenant acte de ce discrédit, ce volume s'intéresse à la volonté des témoignages et des anecdotes de faire entendre, à l'âge classique, une autre voix que celle de l'histoire officielle. En déplaçant l'angle de vue sur les motivations privées, ou en substituant à l'histoire des vainqueurs et des puissants celle des vaincus et des victimes, l'anecdote et le témoignage impliquent une rupture avec la stricte limitation du champ aux affaires publiques, ce qui modifie la conception de l'objet même de l'histoire.
En brisant les continuités et les rationalités admises, cette rupture permet de prendre conscience de la difficulté d'écrire une histoire qui soit capable de prendre en compte la vie quotidienne des hommes, de rendre intelligibles leurs comportements et leurs luttes, mais aussi les dysfonctionnements économiques et sociaux ou la dissolution, dans les temps de crise, des hiérarchies et des valeurs.
Dans une période où l'histoire appartient encore aux belles-lettres, ces récits, revendiquant une narration "sans art" et une vérité brute, proposent souvent une lecture critique des événements, suscitent une réflexion sur le pouvoir, révèlent, dans les liens qui les unissent à la fiction, le caractère littéraire de toute forme de narration et engagent à l'examen de la relation complexe qui unit écriture et savoir historique.