Théorie de l'objet et présentation personnelle

La Théorie de l'objet de 1904 constitue certainement l'écrit-programme le plus décidé du philosophe de Graz, tout comme, à la fin de sa vie, la Présentation personnelle offre un récapitulatif très précis et rigoureux de toute son entreprise et de celle de son Ecole. De cette oeuvre exemplaire par sa probité, mais aussi sa hardiesse tranquille, la réception française aura été, jusqu'à une date toute récente, particulièrement limitée, comme si elle avait été éclipsée par d'autres élèves de Brentano, et en particulier par Husserl et son projet apparenté d'" ontologie formelle ", alors même que dans le monde anglo-saxon — en dépit ou en raison des critiques prétendument définitives de B.
Russell – elle n'aura cessé de nourrir la discussion des logiciens comme des métaphysiciens. Plus qu'un témoignage de la spécificité d'une tradition philosophique autrichienne, plus qu'un élément dans le dossier enfin réouvert de la genèse conjointe de la phénoménologie et de la philosophie analytique, ce recueil entend aussi donner à lire un document majeur dans l'histoire longue de la théorie des êtres de raison et des objets de pensée, et présenter une tentative particulièrement conséquente de dépassement de la métaphysique entendue comme science générale de la réalité effective — celui-là même qui vise à reconnaître la place du subsistant non-existant, des objets " apatrides " ou de ce qui peut encore se donner à penser au-delà de l'être et du non-être, hors-l'être.