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[...] Et voilà, dîtes-vous. Ca les reprend. A force de grincer des dents et de souffrir du monde (un mal, des mots) comme d'une vieille blessure, ils vont raviver nos plus anciennes douleurs. Les nôtres ! Fouler nos tombes ! Réveiller nos défunts, marcher dans nos allées de peine, poser sur nos granits des cyclamens rouges, fleurir nos mémoires de chrysanthèmes échevelés et nous rappeler que nous sommes mortels ! Comme s'il ne nous suffisait pas de nous débattre dans la vie comme dans une fosse commune...
Allons, ce sera grave parce qu'ils nous manquent. Il est bon de s'en souvenir. Ne sommes-nous pas plus mortels encore depuis qu'ils sont partis ? Ne les suivrons-nous pas en cette absence terrible comme dans un pays innommable ? Nous hantent-ils doucement, nous poussent-ils parfois à vivre plus vite ou à mourir lentement, eux qui eurent à peine le temps d'apprendre à lire, de faire un enfant, de vivre à la campagne, d'aimer ou de haïr ? Et ceux qui ont répondu à l'appel du vide, perclus d intolérable, ceux-là nous interrogent, mêmes fondus dans les profondeurs de nos coeurs.
Ceux-là nous parlent tout bas du monde inacceptable auquel nous persistons à croire en dépit du bon sens et des larmes. [...]Extrait de l'éditorial