Biographie de Dieter Hermann Comes
Né en 1942, en pleine guerre, à Sourbrodt, village des cantons
germanophones belges. Sa mère parle le français et son père
l'allemand. Le village lui-même comporte une partie
francophone et une partie germanophone. Son père,
réquisitionné par la Wermacht, est envoyé sur le front russe.
Dieter naît ainsi en plein chaos, aux frontières de la latinité et
de la germanie. Bâtard de ces deux cultures, il gardera de son
influence germanique le goût du fantastique.
A l'école de
Malmédy, après la libération, on lui refuse son prénom
allemand, Dieter. Les frères maristes le francisent d'autorité en
Didier... pour une meilleure intégration ! Comme si cela ne
suffisait pas, Didier étant gaucher, l'enseignement d'alors le
contraint à écrire de la main droite. Aujourd'hui, Comès écrit
toujours de cette main droite, rationnelle et sociale, mais il
dessine de la gauche, intuitive et personnelle.
A seize ans,
obligé de travailler, il est engagé dans une entreprise de
machines textiles à Verviers comme dessinateur industriel,
travail fastidieux qu'il compense par le jazz, son premier
"moyen d'expression", en se faisant remarquer comme
percussionniste. Ce n'est qu'à vingt-sept ans qu'il arrive à la
bande dessinée en publiant pour la première fois, en 1969,
dans le quotidien belge Le Soir, une série de gags mettant en
scène Hermann.
Un éditeur bruxellois lui demande alors de
réaliser Ergün l'Errant. Cet éditeur fera défaut et c'est Pilote
qui publiera cette histoire en 1972. Elle marque le début de
l'itinéraire d'un grand auteur qui, au fur et à mesure de ses
collaborations, amènera son style à la maîtrise de Silence
réalisé pour le mensuel (A Suivre), en 1979. Comès est un
écrivain traceur. Funambule, sa plume chargée d'encre très
noire, progresse lentement, en équilibre entre réalisme et
expressionnisme, étirant le trait pour lui donner tout son
pouvoir de suggestion.
Il ne reproduit pas, il transforme. Il ne
restitue pas, il raconte la part d'ombre de chacun en faisant
surgir de la nuit les marginaux, les paumés, les nains, les
sorcières... car lui Comès, l'homme-hibou, voit dans l'obscurité
ces emmuraillés du silence, de la non-conformité et du refus.
Son attrait pour la sorcellerie tient de son goût du fantastique,
du mystère, comme de son attachement à toute marginalité.
Cette puissance ténébreuse et incertaine est la seule puissance
du pauvre, le dernier recours maléfique pour nuire à un autre.
Cette réalité de la sorcellerie est éloignée de l'asphalte des
villes. Elle s'enracine dans notre histoire et nos terreurs et se
ramifie dans les campagnes. De L'Ombre du corbeau à
Silence, de La Belette à Dix de Der. Comès fait surgir cette
lumière fragile de quelques bonheurs qui parviennent à
s'extraire ou à se protéger des violences obscènes et des folies
meurtrières des hommes.
Silence est devenu la figure
emblématique d'un univers où le bien et le mal s'enlacent dans
les brumes inquiétantes de l'univers fantastique d'un auteur
halluciné par nos propres noirceurs.
Oeuvre magistrale
Dans les Ardennes, un jeune homme muet et simple d'esprit, appelé Silence, est utilisé par Abel Mauvy, exploitant agricole influent, pour des travaux de ferme en ferme. Abel Mauvy malmène Silence. Malgré cela, Silence considère son maître comme son ami. Silence est incapable de haine, de méchanceté. Il est enfermé dans une satisfaction intérieure qui le rend heureux et naïf. Personne ne sait d'où vient Silence. Son âme est pure. Il communique facilement avec les animaux de la campagne, un simple regard suffit pour qu'ils le comprennent.
De lourds secrets de jeunesse pèsent sur Abel Mauvy. Est-ce la raison pour laquelle il s'acharne sur Silence en le faisant plier à sa volonté ?
Sur fond de sorcellerie et de rencontres, Silence va s'ouvrir au monde, découvrir l'amour, ressentir le mal qui pèse autour de lui et le besoin de se venger. La lucidité comme bienfaitrice.
La profondeur des traits des dessins noirs et blancs soulignent la force sombre des thèmes abordés par ce chef d'oeuvre de la BD telles que la difficulté de communication, la différence.
Merci d'aller à la rencontre de Silence. Vous serez conquis.