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La philosophie, lorsqu'elle cherche - comme c'est le cas chez Heidegger - à dire ce que le mot être signifie, entre dans le voisinage de la poésie. En quoi cette parole nouvelle (plurivoque, métaphorique, paradoxale, parataxique ou tautologique) se distingue-t-elle de celle du poème ? L'oeuvre de Heidegger, confrontée aux objections des philosophes qui, tel Wittgenstein, doutent de la possibilité d'exhiber ainsi, dans un langage illogique, la condition de possibilité de tout langage, demeure souvent, sur ce point, muette.
Plutôt que d'aborder de front la question du statut d'un discours ontologique renonçant à la proposition, l'ouvrage explore la démarche de trois poètes (H. Michaux, A. du Bouchet, P. Jaccottet). Chacun d'eux, à sa manière, et sans jamais renoncer aux exigences de la poésie, en vient à articuler, au plus près des préoccupations philosophiques contemporaines, une méditation sur l'être-au-monde et une réflexion sur les rapports du discours et du poème.
Prendre au sérieux ce mouvement de la poésie en direction de la philosophie, en suivre attentivement les détours, tenter de comprendre pourquoi une telle parole pensante renonce à philosopher, espérer de cette manière rejoindre, ou au moins croiser, l'autre mouvement, celui de la philosophie en direction de la poésie - telle est l'intention qui anime ces pages. Au-delà d'une recherche sur la nature de la poésie, l'objectif est de parvenir à poser de manière un peu plus précise la question que la philosophie, aujourd'hui, en divers lieux, s'adresse : quel sens convient-il de donner à ce que Wittgenstein a nommé "la tendance à donner du front contre les bornes du langage" ?