H.M. ne cherche pas à échapper à l'angoisse, il se consacre à l'exploration de l'univers que lui a révélé l'usage des drogues. Sa quête porte sur les conditions de la pensée, les moyens propres à l'exprimer, quitte à plonger dans les ressacs inexplorés de l'esprit.
Les livres sont des descriptions des effets de la drogue, myriades d'images intenses qui disloquent le corps et le monde. La mescaline est une expérience de la folie, un « mécanisme d'infinité » absolument bon ou terriblement mauvais, une exploration des possibilités de la pensée et une tentative de retranscription.
Les mots tentent de suivre systématiquement les effets de la drogue sur la conscience, d'en éprouver l'étendue, les ressources et les limites. Cette introspection se fait en une notation au fur et à mesure des prises de mescaline, sur le papier, des avatars et de nombreuses tribulations s'inscrivent de manière heurtée, disloquée, les mots s'écroulent parfois en d'incompréhensibles gribouillis. Les dessins sont d'« innombrables lignes fines, parallèles, serrées les unes contre les autres avec un axe de symétrie principal et des répétitions sans fin ».
Accélération de la vitesse mentale, surabondance qui gonfle les phénomènes (images, pensées, impulsions), caractérisent la modification essentielle de la mescaline ; mécanisme qui «exclut la conscience du sentiment, pour l'exprimer» en une longue descente dans des gouffres aux luminosités blanches et aveuglantes, sensations de faim violentes aussitôt disparues, invasions de couleurs, poussées d'architectures chaotiques, grimaces, ruines, montagnes, minarets, sensation de n'être plus qu'une ligne, une amplification des bruits – le moindre froissement assomme les tympans : « c'est une vibration énorme, multiple, fine, polymorphe et effroyable qui semble ne devoir plus jamais finir ». La conscience est décapée avec violence, la surabondance des stimulis et la dislocation de l'esprit sont comparables à celles dont souffrent les schizophrènes.
Une erreur de dosage ouvre le cauchemar, désagrément multiplié par le caractère d'infinité de la mescaline. Une « petite mort » vécue des centaines et des centaines de fois, imagination annulée, diminuée dans des explosions de feu, entre sérénité et turbulence. Sans aucun prodige, l'expérience de la mescaline peut conduire à un long glissement dans un gouffre broyeur, un grand froid qui « désensualise l'image ». La vulnérabilité de l'humain, sa porosité au contact de l'infini, est comme une nostalgie de fœtus, un souvenir d'une provenance visqueuse et transformeuse ; au bord de l'insoupçonné et d'une démesure inattendue, reste, parfois, une tension vers l'extase. L'existence est absurde, désespérément on y cherche quelque chose, sans trop savoir ce que c'est exactement, quand on le trouve enfin, tout s'éclaircit : on est dans un abîme où l'on ne finit plus de tomber ; avec le vertige rien à quoi se raccrocher, impossible de se ramasser, on tombe sans même pouvoir arrêter de respirer.
C'est l'expérience d'un « buveur d'eau »
H.M. ne cherche pas à échapper à l'angoisse, il se consacre à l'exploration de l'univers que lui a révélé l'usage des drogues. Sa quête porte sur les conditions de la pensée, les moyens propres à l'exprimer, quitte à plonger dans les ressacs inexplorés de l'esprit.
Les livres sont des descriptions des effets de la drogue, myriades d'images intenses qui disloquent le corps et le monde. La mescaline est une expérience de la folie, un « mécanisme d'infinité » absolument bon ou terriblement mauvais, une exploration des possibilités de la pensée et une tentative de retranscription. Les mots tentent de suivre systématiquement les effets de la drogue sur la conscience, d'en éprouver l'étendue, les ressources et les limites. Cette introspection se fait en une notation au fur et à mesure des prises de mescaline, sur le papier, des avatars et de nombreuses tribulations s'inscrivent de manière heurtée, disloquée, les mots s'écroulent parfois en d'incompréhensibles gribouillis. Les dessins sont d'« innombrables lignes fines, parallèles, serrées les unes contre les autres avec un axe de symétrie principal et des répétitions sans fin ».
Accélération de la vitesse mentale, surabondance qui gonfle les phénomènes (images, pensées, impulsions), caractérisent la modification essentielle de la mescaline ; mécanisme qui «exclut la conscience du sentiment, pour l'exprimer» en une longue descente dans des gouffres aux luminosités blanches et aveuglantes, sensations de faim violentes aussitôt disparues, invasions de couleurs, poussées d'architectures chaotiques, grimaces, ruines, montagnes, minarets, sensation de n'être plus qu'une ligne, une amplification des bruits – le moindre froissement assomme les tympans : « c'est une vibration énorme, multiple, fine, polymorphe et effroyable qui semble ne devoir plus jamais finir ». La conscience est décapée avec violence, la surabondance des stimulis et la dislocation de l'esprit sont comparables à celles dont souffrent les schizophrènes.
Une erreur de dosage ouvre le cauchemar, désagrément multiplié par le caractère d'infinité de la mescaline. Une « petite mort » vécue des centaines et des centaines de fois, imagination annulée, diminuée dans des explosions de feu, entre sérénité et turbulence. Sans aucun prodige, l'expérience de la mescaline peut conduire à un long glissement dans un gouffre broyeur, un grand froid qui « désensualise l'image ». La vulnérabilité de l'humain, sa porosité au contact de l'infini, est comme une nostalgie de fœtus, un souvenir d'une provenance visqueuse et transformeuse ; au bord de l'insoupçonné et d'une démesure inattendue, reste, parfois, une tension vers l'extase. L'existence est absurde, désespérément on y cherche quelque chose, sans trop savoir ce que c'est exactement, quand on le trouve enfin, tout s'éclaircit : on est dans un abîme où l'on ne finit plus de tomber ; avec le vertige rien à quoi se raccrocher, impossible de se ramasser, on tombe sans même pouvoir arrêter de respirer.