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" J'ai plongé mes bras dans l'eau du fleuve et devant mon regard posé sur la surface de l'eau se sont mis à bouger des milliers d'éphémères dont les pattes et les corps presque transparents fécondaient une brume mouvante. Dans quelques heures, un jour tout au plus, tous seraient morts mais la brume serait là encore, née du mouvement de milliers de nouveaux corpuscules... et bientôt, oui bientôt, ce serait vraiment l'été, le plein été de moissons à venir et de voûtes étoilées, de la chute des ruisseaux dans l'aube des moulins, l'été des forêts épaisses, l'été des mains tendues et des cassis, des goudrons qui suent leur sève sur les départementales oubliées, l'été des empreintes d'un pied nu sur le carreau trempé d'une cuisine, vers les trois heures de l'après-midi, l'été des siestes, des parenthèses d'ombre qui meurent sitôt les persiennes claquées contre le mur blanc de la chaleur.
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Délicat, et grave
« Puis dans les jardins de Lochristi, parmi les anthémis jaunes, Paule est venue. Paule est venue bien des années plus tard, verser l’oubli sur tout cela, sur la lie et la boue, Paule qui était la vérité et l’onguent. »
Premier roman de Philippe Claudel, quelques petites maladresses, mais déjà la " patte Claudel» .C’est inutile de chercher matière à rire, chez lui, c’est la tristesse, le malheur, la noirceur qui dominent….mais quel talent !!
Philippe Claudel nous parle du deuil, de la perte, et du long chemin vers le renoncement, l’acceptation. Le narrateur meurtri par la perte de Paule, sa bien-aimée, fuit, pour se poser là où Paule ne se rappellera pas à lui…Et pourtant, Paule est partout.
Ce deuil de la femme aimée, est aussi l’occasion du deuil de la mère, de ses blessures d’enfance ; lui qui n’a jamais été autre chose que « Filsaputain »
Le déroulé de ce court roman, est assez lent, mais cependant fluide aidé par de courts chapitres, et d’un phrasé aux mots percutants, choisis, presque taillés sur mesure pour mieux coller aux divers personnages.
A chaque fois Claudel me surprend car il se renouvelle, à chaque fois il sait trouver juste ce qu’il faut de gravité et soyeux pour me toucher, et me donner envie d’y revenir au plus vite.