Personne ne peut se targuer d'avoir toujours dit la vérité dans sa vie. Soit parce que l'on ne veut pas blesser un proche, soit parce que l'on veut profiter du moment présent, soit par lâcheté, ou tout simplement parce que nous mêmes ne voulons pas reconnaître un état d'âme, il est plus facile de choisir une attitude mensongère plutôt que la vérité.
Bernhard Schlink évoque autour de sept nouvelles des relations faussées par le mensonge. Ce sont des relations de couple ou des relations de famille, des personnes plus âgées qui craignent la mort, le vieillissement et qui veulent
faire le point sur leurs précédents choix.
Toutes les nouvelles sont très travaillées, avec des rencontres, des destins, des choix de vie, des différences entre les générations. Chaque petite histoire est passionnante, certaines sont émouvantes, notamment avec les personnes plus âgées. Les personnages sont construits, l'auteur nous dévoile leurs vies, leurs origines, leurs pensées si bien que dans chaque histoire j'ai eu l'impression de bien comprendre ces destins. Les sentiments sont intenses et perceptibles. Toutes les nouvelles ont des fins ouvertes pour bien montrer qu'il n'y a pas de bonne ou mauvaise décision. Il y a des choix qui nous portent sur une certaine vie ni meilleure, ni pire, mais simplement différente.
"j'ai écrit un jour là-dessus : sur le fait que les grandes décisions qu'on prend dans la vie ne sont pas justes ou mauvaises, et qu'on vit seulement des vies différentes."
Ma nouvelle préférée est Le dernier été. Le récit d'un homme, d'un père et grand-père atteint d'un cancer des os et qui souhaite passer un dernier été en famille avant de se lancer dans sa décision finale pour éviter trop de souffrances. Elle est touchante de vérité, de sincérité et pose un réel problème de société et de couple.
La plus folle est celle de cet homme recherché pour le meurtre de sa petite amie, enlevée par un émir du Koweit. L'auteur fait preuve ici d'imagination, d'exotisme et de fantaisie.
C'est un vrai bonheur de lecture grâce à la richesse de chaque nouvelle et aux problèmes humains si justement évoqués. Depuis Le liseur et Le week-end, Bernhard Schlink est un auteur qui fait partie de mes références.
Dissimulation
C'est sans doute parce qu'il s'agit d'un recueil de nouvelles que ce livre paru avant l'été n'a pas tellement fait parler de lui.
Pourtant, on y retrouve les ingrédients de la fascination que peuvent exercer des romans comme Le week-end et Le retour, déjà recommandés ici. Je mets à part Le liseur, même si certains thèmes s'y retrouvent, à commencer par celui de la dissimulation et du mensonge. Bernhard Schlink est vraiment l'écrivain des relations un peu ambivalentes, un peu déséquilibrées, où l'un attend davantage que l'autre. Le mensonge dans ce type de relation devient un ingrédient presque incontournable.
Les nouvelles présentées ici, assez longues, permettent de bien mettre en place les protagonistes et leurs relations. Le travail d'écriture sur la psychologie des personnages est une œuvre de virtuose ! J'ai été particulièrement épatée par La maison dans la forêt, nouvelle à laquelle il n'aurait pas fallu grand chose pour faire un très bon roman... (si je peux me permettre, certains romans présentent des intrigues beaucoup plus faibles sur un nombre de pages cinq fois supérieur à cette nouvelle !) Je vous la raconte ? Il s'agit d'un écrivain dont l'épouse... et puis, non, découvrez-la par vous-même, ce sera très bien comme ça !
A noter que les nouvelles peuvent se dérouler aux Etats-Unis ou en Europe, concerner des personnes jeunes ou très âgées, bref, des atmosphères totalement différentes les unes des autres. J'aime beaucoup l'univers où Bernhard Schlink emmène ses lecteurs et ne manquerai pas de le retrouver quand l'occasion s'en présentera.