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Dans les archives familiales ont été conservés trois épais cahiers écrits par ma grand-mère entre 1915 et 1917. C'est un témoignage émouvant d'une jeune veuve de guerre, restée seule pour élever ses trois enfants. Elle écrit à son mari comme s'il pouvait encore lire ses lettres et y répondre. Et, comme elle l'explique elle-même : " Je vais peut-être faire quelque chose de très bête. Tant pis je le ferai néanmoins, car sûrement cela me sera bienfaisant, Chaque soir - quand ce ne sera pas trop tard ou que je ne serai pas trop fatiguée - avant de m'endormir, je veux copier dans ce cahier une de tes lettres.
Il me semble t'entendre parler - ce ne sera pas moi seulement qui parlerai dans ce cahier, ce sera toi aussi. J'intercalerai aussi de temps en temps une de mes lettres, puisque c'est l'être toi-et-moi que je veux laisser parler - pas toi uniquement et surtout pas moi uniquement, mais cet être toi-et-moi qui ne fait qu'un, qui est grand, fort, qui doit être bon, très bon pour tous et doit vaincre la mort - puisqu'il est éternel.
"