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«?La Salamandre?». Une tour de verre et d’acier de vingt-sept étages noyée dans un monde de béton. Clarisse et Lucien, dit Balzac ; Olivier et Marie : un duo de sexagénaires et un jeune couple au physique disgracieux. Une tribu qui cohabite pour le meilleur et pour le pire. Pour fuir la solitude, échapper au passé. Des somnambules aux rêves fragiles qui jouent aux funambules. Et si la folie n’était rien de plus que la distance que l’on parcourt pour s’éloigner du malheur ? Immersif à souhait, Les Grands ensembles nous plonge dans une ambiance «?fait divers?» qui suinte le désespoir, mais où rien n’est blanc, rien n’est noir, tout est gris.
Un univers à part peuplé d’âmes perdues, des écorchés vifs, hantés par leurs fantômes, qui trichent mais qui y croient, qui fascinent autant qu’elles répugnent : une galerie de personnages uniques, mi-monstres, mi-victimes, mais terriblement attachants, dépeints avec nuance, tendresse et lucidité. Sombre et offensif, loin de tout misérabilisme, cynique mais gonflé d’un humour noir salvateur, le premier roman de Frédéric Le Faivre recèle une poésie étrange qui prend les tripes jusqu’au final : une révélation, un authentique coup de maître.
UNE HISTOIRE HUMAINE, UN STYLE BRILLANT.
Livre non seulement attachant , mais aussi (qu'on ne s'y trompe pas) faussement désinvolte. L'écriture m'a fait penser, à leurs débuts et meilleurs qu'aujourd'hui, à un Éric Chevillard (Le caoutchouc décidément) pour le style ciselé mais sans ostentation, un sens de la formule qui ne tourne jamais à la gratuité et une affectueuse ironie pour des anti-héros qui sont pourtant, au moins le temps de la lecture, LE concentré d''humanité ; ou à un Jean-Philippe Toussaint (La salle de bains) déambulant en douce « absurdie », en une sorte de métaphysique du confinement, du très ordinaire qui se fait destin : c''est une histoire d''héritage (enfin, si l'on veut) et une histoire d'amour (enfin, plus ou moins), l'un et l'autre nécessaires, l'un et l'autre impossibles.
Le livre marche à l''amble. C'est surprenant, de la part d''un auteur qui est aussi un grand voyageur, ce récit d''une radicale sédentarité, d''une errance quasi immobile circonscrite à un appartement caisson de survie, une barre d''immeubles vaisseau en rade et ses environs immédiats pour galaxie. Mais, justement, c'est par le style qu'il marche ! ...et la marche, peu importe le coin d''échouage, est ici chaloupée. Bien balancée.
Alors voilà : avec son air de ne pas y toucher, Frédéric Le Faivre nous implique drôlement. Il nous aura doucement conduit sur le fil de notre humanité funambule, toujours au bord de la bascule et puis ça tient encore, on ne sait pas trop comment, et on sent qu''il n'y a peut-être rien de plus sûr finalement que le bancal. Piètre, mais tout aussi bien glorieuse, incertitude. Et la classe de l'écrivain, c''est de nous laisser dans cet état.
En tout cas, moi, il y a déjà un bon moment que je l'ai refermé, mais je n'en suis pas sorti !...