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Le mal n'est pas un sujet exclusivement moral pour dénoncer des comportements abusifs. Il est au coeur du théâtre, de l'opéra, du cinéma, de la littérature où il montre des figures ultimes, supérieures, qui ne vont pas sans vertus. Le mal est vécu comme l'intrusion démoniaque de forces qui ne sont pas reconnaissables, des forces qui échappent au quotidien et avec lesquelles il s'agira de composer sans disposer de règles.
Autant de transgressions dont la philosophie a traité sous le nom de passion. Le mal n'est pas simplement une mauvaise conduite réprouvée par une société aux valeurs relatives et changeantes. Il fait l'expérience d'une rencontre terrible, bouleversante, qui va au coeur des ténèbres, là où défaille notre propre limite, où s'éveillent angoisse et stupeur devant tout ce qui conteste notre pouvoir d'agir.
Le mal dessine une frontière, une ligne d'affrontement pour celui qui va au bout de ce qu'il peut. Il y découvre des mondes impossibles à évaluer de manière empirique, placés hors de nos maximes étriquées. Il s'agira donc d'une approche ontologique, élaborée "par-delà le bien et le mal", loin de tout manichéisme. Ce livre vaut ainsi comme une Critique de la raison pathétique s'ouvrant à des vertus prises forcément a priori ne disposant d'aucune règle antérieure.
L'opinion ne permet pas d'en juger et le tribunal des moeurs ne saurait en mesurer la justesse. Se rencontrent ainsi des monstres et des terreurs dont l'imagination rend l'affrontement accessible par des recours au mythe ou encore à des personnages dont la grandeur dépasse toute interprétation moralisante comme le montre Flaubert mis en procès pour sa version d'Emma Bovary.
Passion, Raison, Animalité : mais d'où vient le Mal?
"L'animal, dans l'Antiquité, n'a jamais été exclu de l'horizon de notre humanité, ni coupé de la vie de l'ame, au point qu'Aristote nous définit comme "animal politique".De meme Plotin n'est pas sans animaliser la matière encore pénétrée par l'ame. Ce n'est qu'au siècle de la raison qu'il s'est agi d'expurger de la matière toute qualité occulte, de considérer ses mouvements comme on ferait d'une machine métallique (..).Mais(..) les métaphores animales continuent cependant de se glisser sous le langage de la médecine naissante, sans parler de la littérature : étrange possession, étrange démonologie...(..)Du coté de la philosophie (..) il est notable que l'analyse des passions vient bloquer les concepts su clairs et distincts élaborés depuis le Discours de la Méthode. (...)Et pourtant, les passions nous laissent le sentiment d'un étonnant supplément, région marginale et intermédiaire qui échappe autant au corps qu'à l'ame. D'où cette notion curieuse que Descartes utilise pour évoquer le mouvement du sang et qu'il attribue(..) à des esprits animaux". Un livre passionnant pour comprendre l'origine de tous les tourments. Entre le Malin Génie de Descartes, la psychose gaie de Nietzsche, Cervantès, La Princesse de Clèves, Sade, Hegel, Deleuze et Guattari, jeu et pari pascalien......Jean-Clet Martin trace des sillons qui interrogent le sens meme de notre "humanité" sur Terre ; il s'agit de s'orienter car "la philosophie est une expérience cruciale qui va au coeur des ténèbres".....