Le juge espagnol face au droit communautaire

En optant pour une organisation judiciaire décentralisée, les Pères Fondateurs des Communautés européennes ont pris le pari de placer l'avenir de la construction communautaire entre les mains des juridictions des États membres. Dans ce contexte, l'attitude adoptée par chacun des juges nationaux à l'égard du droit communautaire revêt à l'évidence un caractère déterminant. En effet, le juge interne constitue tout à la fois une cheville ouvrière essentielle, mais également un incontestable talon d'Achille pour le droit communautaire. Au terme de sa première décennie d'" expérience communautaire ", il apparaît dès lors fondamental d'apprécier l'accueil réservé par le juge espagnol à ce nouvel ordre juridique. Par-delà l'éclairage qu'elle apporte sur le comportement des juridictions espagnoles à l'égard du droit communautaire et de ses principales caractéristiques, l'étude de Muriel Le Barbier-Le Bris permet d'ouvrir de plus larges horizons. Elle incite en particulier à s'interroger sur la nécessité de renforcer la protection des droits fondamentaux à l'échelle de la Communauté, quand les résistances opposées par les juridictions nationales sont fréquemment liées au souci de garantir le niveau de protection reconnu par les dispositions constitutionnelles nationales. L'expérience espagnole de l'application décentralisée du droit communautaire, et du renvoi préjudiciel, suggère par ailleurs un certain rééquilibrage dans les relations établies, au fil des années, entre la Cour de justice et les juges internes, parfois mal disposés à l'égard d'une discipline communautaire très directive.