Biographie de Georges Fourest
Georges Fourest est né à Limoges le 6 avril 1867. Peu disposé à travailler, il entame des études de droit à Toulouse, qu'il prolonge à Paris. Dans la capitale, il fréquente surtout les libraires et les cafés de Montmartre et du quartier Latin, faisant quelques détours au Collège de France pour assister à des cours de sanscrit ! La littérature et, dans une moindre mesure, la musique sont en fait ses deux véritables passions.
Inscrit au barreau de Paris, sa carrière d'avocat sera brève et parodique ; ses cartes de visite mentionnent fièrement " avocat loin de la cour d'appel ", ou, tout simplement, " oisif " ; Fourest aime la dérision. Il faut dire que des rentes foncières l'ont mis à l'abri du besoin. Pouvant envisager la vie comme une longue récréation, il s'acoquine aux poètes fin de siècle, plus ou moins talentueux, qui hantent en ricanant la capitale. En 1886, il donne deux madrigaux à la revue Chroniques qui compte Barrès parmi ses collaborateurs. Trois ans plus tard, le polémiste Laurent Tailhade l'introduit dans une autre revue, le Décadent ; il collaborera également à des publications tout aussi confidentielles, telles l'Ermitage et la Connaissance.
Au début du siècle, comme c'est l'usage à l'époque, on lit certains de ses poèmes dans les sous-sols du Soleil d'or, un fameux café artiste de la place Saint-Michel. Devant les bravos et l'hilarité des convives, ses amis le pressent de les faire éditer. Fourest, qui n'y avait jamais songé, se laisse convaincre.
Ce sera à compte d'auteur, en 1909, chez Messein, la Négresse blonde, qu'on va lire ; début d'un mythe... En 1923, il publie des Contes pour les satyres. Douze ans plus tard, il revient à la poésie avec le Géranium ovipare, son troisième et dernier livre.
L'œuvre de Fourest est donc mince mais, pour le moins, marquante. Mots rares et crus, rimes facétieuses, métaphores sophistiquées ou bouffonnes, versification rigoureuse : c'est un incomparable acrobate de la langue, doublé d'un expert en outrances verbales, quelquefois sexuelles et drôlement scatologiques. Ce catholique pratiquant, bon époux, bon père de famille, écrivait pour se défouler, décoller de la réalité ; il n'est guère étonnant que pendant la dernière guerre des associations d'amis de Georges Fourest se soient constituées dans les camps de prisonniers. Guerre dont il n'aura pas vu la fin, puisqu'il est mort le 25 janvier 1945. On l'enterra par sept degrés au-dessous de zéro, au Père-Lachaise.
Ça commence bien. Au front de son dernier opus, Georges Fourest ne peut s'empêcher de s'amuser avec le lecteur (" Pourquoi Géranium ? Pourquoi Ovipare ? ") ; il ne s'arrêtera plus. Ce recueil de poésies, où l'auteur n'hésite pas à se mettre en scène, est un petit bijou de fantaisie, de malicieuse cruauté. Les titres sont déjà tout un programme : le Nain et le cochon sous le crâne du poète, le Nouvel Origène ou le rut vaincu, Ballade en l'honneur de Messieurs les chats-fourrés... Quant aux formes littéraires à l'épreuve dans ce chamboule-tout stylistique, elles sont aussi variées que viciées : " épîtres ", " pseudo-sonnets ", " triolets ", " anecdotes controuvées "... Les poèmes de Fourest peuvent rimer à tout et à rien, ils ne sont jamais gratuits. Sous le jeu des mots percent toujours la critique sociale, le tableau d'époque - voir l'hilarante Ballade en l'honneur de la Famille Trouloyaux ou Salon où l'on cause. Qu'il évoque sa Blanchisseuse ou Quelques prix Goncourt l'électron libre des lettres françaises fait flèche de tout bois. D'un rire carnassier, il mord le sot, le fat, le bourgeois et la salonnarde qui parle alors que " devant sa bouche sans cesse un cadavre de mouche accroît un immonde charnier ".
Fourest ne respectait rien, ni les puissances sociales ni l'histoire littéraire. Il se moquait de tout et d'abord de lui-même. " Je ne suis pas de ces littérateurs qui encaissent de forts droits d'auteurs. " Il ne croyait qu'à la puissance irradiante du verbe et au pouvoir de dissolution du rire. Tant de brio, de dérision, de dynamitage cache peut-être un amour déçu du cœur humain. Raison de plus pour suivre son conseil :
" Amis de la littérature
bons désœuvrés qui sans émoi
Flânez à cette devanture,
entrez, payez, emportez-moi !!! "