Chris Offut nous propose avec “Le bon frère”, qui fut publié en 1997 aux Etats Unis, un roman qui célèbre la nature Appalachienne et la liberté humaine avec une puissance narrative dont le souffle parcourt le récit de bout en bout.
Les terres du Kentucky sont plutôt déshéritées, le travail y est âpre et le revenu qu’on en tire bien faible. Mais Virgil Caudill est un homme heureux. Sa vie est simple au coeur d’une nature boisée qu’il affectionne et ses ambitions sont limitées à ce que la petite ville de Blizzard peut lui offrir. Offut délivre, avec un soin pointilliste
du détail, la condition de Virgil et de ceux qui l’entourent. “Virgil se gara sur le parking réservé aux agents d’entretien du Rocksalt Community College. Il laissa les clés sur le contact pour éviter de les perdre. D’un côté étaient rangés les camions bleus que conduisaient les chefs d’équipe. Les chefs d’équipe étaient les agents ayant reçu une promotion, et ils gardaient habituellement leurs fonctions jusqu’à leur mort ou leur retraite. Ils portaient un uniforme bleu avec leur prénom cousu au-dessus de la pochette. Virgil avait de grandes chances d’être bientôt promu. Depuis qu’il était à plein temps, il avait travaillé un an comme homme à tout faire, intervenant ici et là, et trois ans sur le camion à ordures. Il espérait une promotion pour le printemps prochain. Virgil voulait désespérément avoir son nom sur sa chemise.
Les voitures sur le parking étaient toutes américaines, et vieilles, entre dix et vingt ans d’âge. Elles étaient basses d’un côté, ou trop hautes de l’autre. Les pots d’échappement tenaient, retenus par des fils de fer. Certaines avaient des plaques de carton collées à l’adhésif en guise de vitres. Plusieurs étaient bicolores, réparées avec des portières, des capots et des ailes récupérés ailleurs et appartenant à la bonne marque et au bon modèle mais d’une couleur différente. Les banquettes arrière étaient couvertes d’outils et de jouets. »
Mais Virgil a un problème, son frère aîné, Boyd, a été tué dans une rixe dont les bars de la ville sont coutumiers. Boyd était un bagarreur, un garçon au sang chaud souvent embarqué dans de mauvaises affaires. Dans les Appalaches, quand un homme en tue un autre, le frère de la victime devra le tuer à son tour. Une dette d’honneur en quelque sorte. Tout le monde à Blizzard attend donc la réaction de Virgil. Mais Chris Offut évite cependant l’écueil du roman qui tournerait autour de la seule responsabilité morale. Au contraire il fait bifurquer son récit avec une habileté narrative tout à fait saisissante.
L’écrivain, servi par l’excellente traduction de Freddy Michalski, nous entraîne dans une odyssée qui verra celui qui devait être le bras vengeur de sa famille traverser des espaces immenses dans une quête inquiète. La mort de son frère aura bouleversé l'existence de Virgil mais dans un sens bien différent de ce que les habitants de Blizzard auraient imaginé. Chris Offut réussit avec « Le bon frère » une œuvre profondément humaniste qui célèbre avec lyrisme, et souvent une pointe d’ironie, une Amérique de l’intérieur où les paysages ont la dureté d’une beauté âpre comme l’histoire des hommes qui les habitent.
Archibald PLOOM (CULTURE.CHRONIQUE.COM)
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Chris Offut nous propose avec “Le bon frère”, qui fut publié en 1997 aux Etats Unis, un roman qui célèbre la nature Appalachienne et la liberté humaine avec une puissance narrative dont le souffle parcourt le récit de bout en bout.
Les terres du Kentucky sont plutôt déshéritées, le travail y est âpre et le revenu qu’on en tire bien faible. Mais Virgil Caudill est un homme heureux. Sa vie est simple au coeur d’une nature boisée qu’il affectionne et ses ambitions sont limitées à ce que la petite ville de Blizzard peut lui offrir. Offut délivre, avec un soin pointilliste du détail, la condition de Virgil et de ceux qui l’entourent. “Virgil se gara sur le parking réservé aux agents d’entretien du Rocksalt Community College. Il laissa les clés sur le contact pour éviter de les perdre. D’un côté étaient rangés les camions bleus que conduisaient les chefs d’équipe. Les chefs d’équipe étaient les agents ayant reçu une promotion, et ils gardaient habituellement leurs fonctions jusqu’à leur mort ou leur retraite. Ils portaient un uniforme bleu avec leur prénom cousu au-dessus de la pochette. Virgil avait de grandes chances d’être bientôt promu. Depuis qu’il était à plein temps, il avait travaillé un an comme homme à tout faire, intervenant ici et là, et trois ans sur le camion à ordures. Il espérait une promotion pour le printemps prochain. Virgil voulait désespérément avoir son nom sur sa chemise. Les voitures sur le parking étaient toutes américaines, et vieilles, entre dix et vingt ans d’âge. Elles étaient basses d’un côté, ou trop hautes de l’autre. Les pots d’échappement tenaient, retenus par des fils de fer. Certaines avaient des plaques de carton collées à l’adhésif en guise de vitres. Plusieurs étaient bicolores, réparées avec des portières, des capots et des ailes récupérés ailleurs et appartenant à la bonne marque et au bon modèle mais d’une couleur différente. Les banquettes arrière étaient couvertes d’outils et de jouets. »
Mais Virgil a un problème, son frère aîné, Boyd, a été tué dans une rixe dont les bars de la ville sont coutumiers. Boyd était un bagarreur, un garçon au sang chaud souvent embarqué dans de mauvaises affaires. Dans les Appalaches, quand un homme en tue un autre, le frère de la victime devra le tuer à son tour. Une dette d’honneur en quelque sorte. Tout le monde à Blizzard attend donc la réaction de Virgil. Mais Chris Offut évite cependant l’écueil du roman qui tournerait autour de la seule responsabilité morale. Au contraire il fait bifurquer son récit avec une habileté narrative tout à fait saisissante.
L’écrivain, servi par l’excellente traduction de Freddy Michalski, nous entraîne dans une odyssée qui verra celui qui devait être le bras vengeur de sa famille traverser des espaces immenses dans une quête inquiète. La mort de son frère aura bouleversé l'existence de Virgil mais dans un sens bien différent de ce que les habitants de Blizzard auraient imaginé. Chris Offut réussit avec « Le bon frère » une œuvre profondément humaniste qui célèbre avec lyrisme, et souvent une pointe d’ironie, une Amérique de l’intérieur où les paysages ont la dureté d’une beauté âpre comme l’histoire des hommes qui les habitent.
Archibald PLOOM (CULTURE.CHRONIQUE.COM)