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Qu'advient-il aujourd'hui de l'institution ouvrière du travail comme lieu de critique et de transformation de la société par les travailleurs ? Cette question, suscitée par le constat d'un rapprochement de plus en plus patent depuis les années 1980 entre syndicat et management, est à l'origine de cet ouvrage. La dimension gestionnaire du travail est souvent associée à une forme de démocratisation du travail, et d'émancipation collective des travailleurs.
Cela suppose que le travail représente encore un lieu d'action sociale-politique et demeure un espace de liberté pour les travailleurs. Or la logique gestionnaire est incompatible avec ces deux représentations du travail. Pour comprendre le sens contemporain du travail, il faut tirer au clair cette contradiction dans les termes. En adoptant une approche sociale-historique qui retrace l'évolution du travail et de son organisation dans l'atelier, l'entreprise et la société, l'auteur revient sur les sens contradictoires du travail, sens qui lui ont été conférés au XIXe siècle par les pratiques sociales.
L'analyse de la réduction du sens du travail (par la perte de ses sens contradictoires) est faite à partir du cas américain. Depuis le tournant du XXe siècle, le management y a joué un rôle décisif comme organisateur des grandes corporations économiques. Le travail-marchandise, propriété de l'ouvrier est devenu l'emploi, lié à l'entreprise ; l'activité productive concrète est devenue l'affaire du management (le taylorisme en étant la manifestation la plus connue) ; le mouvement ouvrier comme institution dans la société est devenu syndicat d'entreprise.
Dans son analyse de l'organisation capitaliste de l'entreprise et du travail aux Etats-Unis, Rolande Pinard montre comment des institutions politiques centrales y ont été absorbées par la logique organisationnelle. Elle montre comment les acteurs sociaux y ont été graduellement enfermés dans des organisations, celles-ci devenant les véritables sujets dans la société. Ce n'est donc pas un hasard si les questionnements sur la transformation du sens du travail recoupent ceux sur le politique : l'organisation de la société selon le modèle managérial du travail paralyse en effet notre capacité d'agir comme sujets sociaux, qui est au fondement du politique.
Pour sauvegarder cette capacité d'agir et la liberté qu'elle suppose, pour rétablir le lien social rompu par le travail du management et par la société organisée à son image, l'auteur conclut à la nécessité de poursuivre une critique radicale du travail. Rolande Pinard est sociologue et chercheuse autonome. Elle a pratiqué la sociologie en milieu syndical pendant plusieurs années.