Parfois, je fais de bêtes blocages sur certains romans. A force d’en entendre parler partout, à force de lire en diagonale des avis hyper-enthousiastes, je n’ai même pas envie de me pencher sur le sujet. Je me braque et je reste camper sur une position idiote de principe : ce livre ne m’intéresse pas. Parfois aussi, des mois ou des années après, le livre me tombe dans les mains. On en parle moins autour de moi, je regarde le sujet, voire je ne lis même pas la quatrième de couverture et je tente, simplement. J’ai l’impression qu’ainsi, je donne toute sa chance au roman. Je lui
laisse une chance d’exister et de m’emporter. Ce qui me conforte dans l'idée qu'une lecture réussie est souvent une question de timing, une rencontre au bon moment entre un livre et un lecteur. C’est ce qui s’est donc passé avec La liste de mes envies.
Ce roman est tout en délicatesse, en sentiment non-dit mais si bien montré dans les gestes quotidiens. Il nous permet de nous poser les bonnes questions : qu’est ce qui est important dans la vie ? A quoi peut-on juger de son bonheur ?
Que faire avec 18 millions d’euros ! Jocelyne se la pose, cette question lorsqu’elle apprend qu’elle est la gagnante d’un jeu auquel elle a joué totalement par hasard. C’est un coup à tout perdre, tout ce qui fait l’importance de sa vie actuelle. Bien sûr, elle peut améliorer beaucoup de choses en gagnant une telle somme : maison, voiture, une maison secondaire avec piscine, des voyages,… le tout selon ses goûts. Certains laisseraient tomber leur boulot. Mais au final, elle prend conscience que l’important se trouve dans les relations qu’elle entretient avec son mari, ses enfants, ses amis, tous ceux qui l’entoure. Si l’argent n’achète pas le bonheur mais améliorer le quotidien, il peut également détruire ces relations. Jocelyne va tergiverser, réfléchir, faire des listes de ce dont elle a besoin, ce dont elle a envie, ce qui serait extravagant mais amusant… On sent qu’elle n’a pas très envie de tout chambouler dans sa vie. Mais un événement va l’obliger à tout reconsidérer. Il m’arrive parfois, moi aussi, de jouer à l’Euro millions. Mais c’est avant tout une part de rêve que j’achète, bien plus qu’une envie de gagner. Alors je comprends les questions de Jocelyne. Rêver, c’est être vivant. Avoir des envies, des désirs secrets, dont on cherche petit à petit à se rapprocher, parfois, souvent même, pour ne jamais les atteindre. Car le plus intéressant, au-delà de la possession, c’est le chemin parcouru pour y arriver. C’est ce chemin qui nous construit, nous façonne, fait de nous ce que nous sommes.
L’auteur est ici très habile me semble-t-il. Il construit un récit suffisamment court pour ne pas noyer son lecteur dans un flot de sentimentalisme. L’événement bouleversant arrive assez tard, laissant à la question du bonheur prendre la place centrale. Oui, les personnages peuvent paraître parfois un peu caricaturaux, oui la situation et le style sont simplistes, mais cela colle tellement bien à l’ambiance douce-amère de ce roman ! J’ai trouvé Jocelyne très humaine, pleine de qualités et de défauts, de doutes, de blessures et de joies mêlées. Certains lui reprocheront de ne pas se décider, de ne pas avancer. En même temps, elle n’en a guère le temps : le roman est court et rapidement tout va basculer.
Un joli roman que j'ai trouvé sensible mais sans sensiblerie.
http://nourrituresentoutgenre.blogspot.fr/2014/06/la-liste-de-mes-envies-gregoire.html#
Jocelyn et Jocelyn - conte cruel
L’argent ne fait pas le bonheur, c’est sur, quoique… Mais il y a autre chose dans ce livre qui sans doute explique en partie son succès. Qu’est-ce qui reste après plusieurs années de couple quand l’équilibre fragile que chacun a voulu instauré entre amour et bien être est mis à l’épreuve, que l’endurance à aimer et que le charme de chacun s'émoussent quand quelque chose de plutôt inédit (comme gagner au loto par exemple) survient dans ce calme trompeur, dans cet arrangement fait de plusieurs années de vie commune. Est-on vraiment sur de l'autre ? De cette "symbiose" utopique et pragmatique ? Rêves et besoins sont remis dans la balance et le caractère de chacun peut grimacer un peu plus, les non-dits réapparaître, être réévalués… Grégoire Delacourt nous offre une fable moderne et cruelle inspirée d’une vie qui peut par bien des aspects ressembler à celle de chacun et saisit la nature humaine aux entournures avec ses rêves, ses travers comme cette manière différente peut-être qu’ont homme et femme d’aimer…