La christianisation de la France, IIe-VIIIe s.

Si on en croit les légendes, les grandes églises de la Gaule auraient été fondées par des personnages de l'entourage de Jésus et de ses apôtres. Les Marie et Lazare auraient débarqué en Provence, saint Martial de Limoges serait l'enfant que Jésus a tenu sur ses genoux, saint Denys l'Aréopagite d'Athènes aurait été martyrisé à Lutèce... Les milieux traditionalistes du XIXe siècle s'emparèrent de ces attachantes légendes pour développer le mythe nationaliste d'une France catholique afin de contrer la montée du laïcisme dans la société française. Ne confondons pas le charme des légendes et la clarté de l'histoire. Le livre de Pierre Pierrard permet à chacun de se faire une idée juste de l'arrivée du christianisme en Gaule et des conditions historiques de son assimilation. Il suit les deux grandes périodes de l'implantation du christianisme sur le sol et dans les institutions de ce qui deviendra la France : son lent enracinement dans la Gaule romaine, la christianisation difficile de la Gaule franque. Il montre le rôle des figures les plus marquantes, décrit les stratégies apostoliques fixe les événements repérables. L'auteur observe aussi comment constitue l'héritage d'une cléricalisation très poussée et d'un modèle monastique dominant. L'historien se fait prudent quand il s'agit d'évaluer la qualité et la solidité de l'imprégnation des idées, des convictions, des mœurs, tant les survivances païennes restent vivaces tout au long des siècles dits chrétiens. Toutefois l'évolution durant les âges réputés obscurs est profonde : elle est le socle de ce qui sera, au IXe siècle, la synthèse carolingienne, ce grand moment du "consentement chrétien "qui modèlera la France des paroisses. Si des formules comme "France chrétienne" et "Fille aînée de l'église" ressortissent aux mythes, la christianisation, telle qu'elle s'est opérée, constitue l'axe de notre histoire nationale.