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« L’attraction, les femmes l’attrapent au creux de leurs flancs dès qu’elles passent à ma hauteur. Je balance, droite, gauche. Je suis un prince, je fais plier les villes et les femmes. Chaque foulée me rapproche de mon instinct d’origine, chaque pas m’éloigne de mon être de surface. L’appel du corps, un appel d’intérieur à intérieur, des chiens qui se sentent. Elles aussi, les petites, elles bichent.
Le côté voyou dont je ne réussis pas à me défaire les aimante. J’ai tout fait pour paraître français, le plus français possible. J’ai failli réussir ».
Toute sa vie Tahar a aimé ce qui coule, les grands fleuves, les pluies d’été, les femmes…
Quand vient sa dernière heure, montent en lui les visions de l’Algérie, le pays où il est né et qu’il a quitté. L’enfance dans l’incandescence du djebel, lumière coupante comme un crime en plein midi.
Mais aussi la guerre, la pire de toutes, celle qui ne dit pas son nom mais taraude le fond des gorges et des ventres. En foulant le sol de France, Tahar fait table rase du passé. L’exil a ses douleurs, mais aussi ses vertiges, suivre les femmes dans la rue, lors de longues marches hallucinées. Aujourd’hui à son chevet, que des Français. Quatre personnes dont les pensées le traversent, bruissantes.
Un ex-soldat, une femme aimante, un beau-père qui lui fourgue tout bas des prières chrétiennes et un fils muré dans son silence. C’est autour de la blessure muette de Tahar que se cristallise la tension du roman. Une seule voix à la fin parviendra à la dénouer et à la déborder. Celle qu’on attendait le moins. Et qui monte en même temps qu’une averse d’été, soudaine, éphémère, toute-puissante, vers laquelle courent toute la sensualité et l’énergie de ce livre.
Vie d'exil
Tahar va mourir. A son chevet, se tiennent sa femme française, son fils qui n’a jamais prononcé un mot et son beau-père qui perd la mémoire, récite ses prières et s’inquiète pour ses plantations de patates. Les souvenirs apparaissent par bribes : l’arrivée à Marseille à quinze ans en 1962, les souvenirs d’école en Algérie avec les fils de colons, les évènements et la cruauté des fellagas et des soldats français.
Protégé par un fils de colons puis par les soldats français, ces derniers l’emmènent en France suite à l’assassinat de ses parents par le FLN.
A Paris, Tahar est confronté aux camps, au racisme. Marié, père de famille, il ne dira jamais rien de son pays. Il repense à la honte de Souad qui venait le chercher chez les soldats français, à sa propre honte d’avoir trahi les siens.
C’est sûrement le silence du père qui empêche le fils, Pierre de parler.
Tout en douceur, l’auteur effleure les problèmes d’immigration, de racisme, les différences entre familles françaises et algériennes.
C’est avec un style poétique que Fabienne Jacob livre ces souvenirs et la fin du livre est particulièrement belle, avec l’envolée de Tahar auprès des siens.
Toutefois, cette belle écriture, cette forme de récit donnent de la distance par rapport aux personnages et aux évènements. J’ai ainsi eu davantage de difficultés à m’ancrer dans la vie de Tahar, laissant les émotions un peu en suspens.