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"Mon projet serait donc, en commençant la rédaction de cet Atelier du silence, d'accomplir la même chose que Vermeer, pour le domaine du visible et du spatial, a accomplie en son "Art de la peinture" : faire entendre le silence qui est à la source de toute création – traduction picturale-vermérienne : faire voir le vide qui est à la source de toute "action de voire" – en donnant, par un faire-silence approprié, la parole au sens – en "se laissant dire" par lui de telle façon que ce que l'on écrit devienne une aventure au pays des mots, dans le domaine du sonore et du temporel (comme celle vermérienne le fut dans le domaine du visible et du spatial), de ce sens même.
De la même façon que Vermeer, pour rendre compte de son "art", a dû peindre un certain vide, il me faut donc à mon tour, pour rendre compte de l'essence du mien (le "poétique" et plus généralement la "littérature"), faire entendre un certain silence et, pour cela, ouvrir dans la profondeur temporello-sonore ("disante") un atelier où l'on s'exercera d'abord, en mode lent et méditatif, à "faire silence" : l'atelier du silence.
"Le livre que j'entreprends aujourd'hui n'est rien d'autre que cette ouverture par laquelle chacun a loisir – en écrivant ou en lisant (mais n'est-ce pas au fond la même chose ?) ce livre – de s'enfoncer en direction du coeur du silence, c'est-à-dire en direction du "point" ou du "centre" d'où jaillit à profusion le sens, par quoi il nous inonde de sa faveur "pensive", nous comble de ses privautés "méditatives".
Mais par là aussi vient à la conscience d'une époque l'idée d'une transition entre deux âges du monde – qui sont aussi bien deux âges de sa "littérature" –, et "transition" que seuls peuvent opérer ceux qui auront eu, loin des prébendes éditorialo-narcissiques que le "Spectacle" attribue à ses affidés, la présence d'esprit de venir travailler en cet atelier (et, en son "silence" de tenir bon : sans trop s'offusquer de la non-réception par cette époque de leurs propres travaux).
Car d'évidence, si l'on veut faire affluer de nouveau le sens "en ce monde ennuyé" – en, par exemple et pour le domaine du strict "littéraire", faisant rebondir la langue–, c'est là et nulle part ailleurs qu'il faut se tenir : parce que ce "là" est justement le lieu où le sens jaillit et où, par suite, la langue a loisir de se ressourcer et, en ce ressourcement, de se mettre à sonner autrement (...)"
Méditation du Mystère...
Une érudition admirable qui est en elle meme une ode à la transmission du savoir en acte, et une attention très exigeante vis à vis de soi meme à l'époque, l'actualité du monde en train de se faire, la société telle qu'elle est dans "toutes"ses(?..de nombreuses,en tous cas) dimensions, font de ce livre un manifeste pour la "profondeur" en ce qu'elle irrigue (ou pas:à chacun de se poser la question) notre rapport à l'existence.Car la vie ne saurait se limiter à un plan(de carrière,ou à la platitude d'un écran-meme déguisé en lunettes-
plan d'action,etc..),sauf à nous lobotomiser,paralyser,scléroser,amputer nous-memes. Et pour accéder à cette profondeur il nous faut faire silence( P442)"en mode radicalement étranger à la tonalité d'exaspération narcissique qui signe cette époque, cet Atelier s'est d'abord proposé de (ré)introduire son lecteur au silencieux mystère du monde, (...)qui (...)vient nous effleurer de son appel méditatif (..):l'homme,de toute évidence n'a pas été créé pour résider au centre des choses(..)mais bien plutot pour séjourner sur cette ineffable limite entre l'"humain" et le "non-humain""...Ce livre n'est pas fait pour remporter l'adhésion (je ne suis d'ailleurs pas d'accord personnellement avec certaines prises de positions de l'auteur.Et peu importe.)mais bien pour ouvrir la porte de l'Atelier du Silence qui fait de Vermeer notre Maitre en clair-obscur, et de Borgès un interlocuteur de Debord, par delà les siècles..
La lecture de ce livre secoue le lecteur sans ménagement, un peu comme une discussion à batons rompus avec le Sphinx,j'imagine...La discrétion de son auteur est une invite de plus à ne pas le négliger,en cohérence parfaite avec le propos.A découvrir sans hésitation.