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L'annonce de la mort brutale, dans la force de l'âge, du peintre Ivor Woodall sème la consternation parmi ceux qui fréquentaient son cours de dessin. Françoise, une jeune Rwandaise réfugiée au Cap, était modèle pour arrondir ses fins de mois. Elle découvre avec inquiétude la nécrologie — accompagnée d'une invitation à une exposition posthume où figure son propre portrait par Ivor — dans un bus la ramenant de Lubumbashi.
Elle y était partie en catastrophe sur les traces de sa jeune soeur, la plantureuse et imprévisible Doudou, dix-sept ans, qui tentait de vendre au Congo la voiture volée quelques mois auparavant... à Ivor Woodall. La sage Françoise, l'aînée, essaie tant bien que mal de préserver le fragile équilibre que les deux jeunes filles ont retrouvé en arrivant en Afrique du Sud, après des mois d'errance. De mère tutsie, elles avaient fui le Rwanda au moment du génocide, après le remariage de leur père avec une Hutue.
Stella, elle, était élève du cours de dessin depuis peu de temps. La perte d'Ivor la plonge pourtant dans un profond désarroi, elle qui était tombée par hasard sur l'atelier du peintre parce que s'en échappaient les paroles d'une chanson de Miriam Makeba. L'amour a le goût des fraises, elle ne cessait de l'écouter avec sa mère, dont elle ne parvient pas à surmonter la mort récente. Rosamund Haden, explorant le passé de ses deux protagonistes et de leur entourage — la jeunesse du Cap —, livre de magnifiques portraits de femmes, mais tient aussi son lecteur en haleine.
Semant les indices au fil d'une narration diaboliquement construite, elle le conduit à un dénouement qui lève le voile de manière plutôt inattendue sur une bien soudaine disparition.
RECOMMANDÉ PAR LE SITE CULTURE-CHRONIQUE
Les ouvrages des éditions Sabine Wespieser possèdent un petit avantage sur leurs concurrents : une magnifique première de couverture qui compte parmi les plus belles de l’édition française. C’est un détail mais il compte quand on aime les livres. On est très loin de ces couvertures anonymes achetée sur une banque d’images située dans les iles Caïmans et qui viennent échouer sur bien des parutions françaises.
Si vient s’ajouter à cette première impression tout à fait positive, celle de découvrir un très bon roman sud africain au titre évocateur : “L’amour a le goût des fraises”, le lecteur que nous sommes a le net sentiment de ne pas avoir tout à fait perdu sa journée. Son auteur, Rosamund Haden, a déjà publié un remarquable premier roman chez Sabine Wespieser. “L’église des pas perdus” nous avait permis de la découvrir en 2006. Haden écrit peu mais cette seconde publication confirme son immense talent. Son récit démarre à la page décès d’un grand quotidien sud africain : le peintre Ivor Woodal vient de mourir à 42 ans. Pour deux de ses proches c’est une effroyable nouvelle ; Françoise une jeune Rwandaise réfugiée au Cap et qui servait de modèle au peintre et Stella l’une des élèves d’Igor qui avait été attirée dans son atelier par une chanson de Miriam Makeba “L’amour a un goût de fraises” qu’elle écoutait souvent avec sa mère, disparue depuis peu. Ce point de départ permet à l’écrivain de retisser les fils du passé autour de ces deux personnages.
C’est sans doute là la grande qualité de Rosamund Haden : développer une narration à la construction élaborée en approfondissant deux portraits de femmes remarquables. L’Afrique est le troisième personnage de cette oeuvre polyphonique. Ce continent blessé traverse l’ensemble de ce récit dont la puissance narrative se révèle au fil des pages.
“L”amour a le goût de fraises” est l’un de ces romans que tout lecteur espère découvrir par une belle journée. On passe sa main sur la couverture, on ouvre le roman et on entend cet air de Miriam Makeba :
"L’amour est prompt comme les vire-vents qui tournent
L’amour est tendre comme les larmes qui coulent
Vins et épices entremêlés
L’amour a le goût des fraises du marché"
S'ouvre alors à nous la merveilleuse perspective de quelques heures exquises de lecture.
Archibald PLOOM (CULTURE-CHRONIQUE.COM)