Effraction, la poésie du tiroir rassemble 12 jeunes poètes d'Algérie qui n'ont jamais été publiés, ou très peu. Farida Ait Ferroukh et Nabile Farès en donnent les raisons : " la poésie du tiroir " a circulé plus ou moins clandestinement dans les années 1980-1990 par voies de tracts, inscriptions murales, cassettes, voire émissions pirates à la radio. Ces jeunes auteurs, lycéens et/ou étudiants lors des printemps 1980 et 1988, ont produit des textes d'urgence, porteurs de revendications d'identité et de liberté longtemps réprimées; ils ont été, pour plusieurs d'entre eux, victimes d'une répression brutale (prison, tortures pour certains) de la part du pouvoir politique en place depuis l'Indépendance.
L'originalité de cette " poésie du tiroir " est qu'elle entrecroise trois langues (arabe, berbère et français) pour exprimer une profonde unité créatrice, qui s'intègre, comme de soi, à la longue et ancienne tradition de la poésie algérienne. Grâce à la rencontre - et aux encouragements répétés - du grand écrivain Kateb Yacine, qui fut leur ami beaucoup plus que leur mentor, ces poètes manifestent de façon exemplaire la richesse incitatrice d'une génération qui n'hésite pas à tirer, comme le disait René Char, des " salves d'avenir ".
Et ce n'est pas un hasard si les auteurs de cet ouvrage l'ont dédié à Tahar Djaout, poète assassiné en juin 1993. Les poètes, au cours de l'Histoire, ont souvent été réduits au silence par la brutalité aveugle : la poésie dérange, ces 12 poètes nous le rappellent opportunément.