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La survie du judaïsme dans le monde moderne n'a pas fini d'étonner. Sorti du ghetto et libéré du carcan que la loi lui avait imposé, il n'a jamais cessé de rechercher des modes d'existence lui permettant de ne pas renoncer à ce qui restait pour lui l'essentiel, la perpétuation de son message et de sa présence Auschwitz a concentré l'attention sur les aspects les plus dramatiques de ce combat. Mais comment oublier qu'avant l'holocauste une immense mutation était en cours et qu'elle ne pouvait pas ne pas se poursuivre : le retour au ghetto s'est vu définitivement condamné, la solution israélienne est restée partielle, et le judaïsme de la dispersion persiste.
Il faut en rechercher les antécédents au XVIIIe et au XIXe siècle. Si l'émancipation des Juifs - acquise grâce à la Révolution - était un fait retenu, était-elle légitime, et l'était-elle pour tous les Juifs ? Ce doute a constitué un obstacle à une fraternité devenue sinon impossible, du moins exceptionnelle. Les masses populaires juives, résignées, sachant que l'amour ne se commande pas, avaient adopté une conduite très simple : partout où la rencontre entre Français juifs et Français chrétiens ou ex-chrétiens était inévitable, ils se comporteraient avec eux comme des frères, tout en sachant qu'ils ne seraient pas forcément payés de retour.
Les Juifs "émancipés ; eux, n'étaient pas disposés à faire définitivement preuve d'une telle abnégation : à la liberté et à l'égalité ils voulurent ajouter la fraternité. A la veille de la guerre de 1870, ils n'avaient pas abandonné ce rêve et ne soupçonnaient pas les obstacles qu'ils rencontreraient avec l'apparition d'un antisémitisme racial et non plus religieux, et avec l'affaire Dreyfus. Viscéralement attachés aux principes d'une Révolution et d'une France dont ils avaient oublié les atermoiements et peu disposés à renier leur judaïsme, ils voulaient par-dessus tout devenir des enfants de la patrie.
Beaucoup d'entre eux s'efforçaient de croire que, tout en étant restés juifs, ils étaient devenus des israélites français.