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Hannah, aux jambes en tige de marguerite, Hannah maigre, et de caractère soupçonneux, qui ressemble, dit-on, à son grand-père Moshè, tapi dans sa bibliothèque à lire Spinoza, en se demandant où est passé Peretz Markish et d'où vient le silence des écrivains yiddish de Moscou, regarde les photos, scrute leurs mystères, essaie d'arracher à sa mère Louba les secrets qu'elle se refuse à livrer. Est-ce qu'il vaut mieux être comme Benjamin, son cousin rouquin et insolent, ignorant et libre, ce voyou que ses loufoqueries ont conduit de la yeshiva à l'asile d'aliénés ? Faut-il suivre les traces des hommes de cette famille, Simon, Yzy, qui, comme les héros des romans d'Isaac Bachevis Singer, foncent droit devant eux, tombant dans tous les pièges ? Est-ce du côté de la diaconesse Blanche Sterki, qui a sauvé Hannah quand elle était bébé par son amour et ses prières de protestante, qu'il faut chercher la vraie vie ? Tandis qu'on enterre sa bienfaitrice, Hannah renoue les fils brisés de cette histoire, celle d'une famille juive en France, de Lyon à Metz, dans l'après-guerre.
Avec son sens du picaresque, et cette espièglerie mélancolique qui n'appartient qu'à elle, Myriam Anissimov passe de l'intime à l'épique avec un égal bonheur. " Elle sait ", écrivait Hector Bianciotti, " que les siècles changent les crimes en fables, en épopées abstraites, en songes, et que la mission secrète de la littérature est d'attiser le feu de la vérité ".