Comme tout le monde, je suppose, j'ai mon " côté cour " : exposé à tout vent, caparaçonné, et pourtant vulnérable, toujours offert aux regards, mais souvent trompe-l'œil, et mon " côté jardin " : secret, jalousement mis à l'abri des feux de la rampe, et qui ne consent habituellement à se révéler que devant quelques intimes triés sur le volet. Moi qui ai toujours professé qu'on ne devrait écrire un livre que si on a l'intime conviction d'avoir deux ou trois choses à dire que personne d'autre ne pourrait exprimer mieux que soi - ce qui, vous en conviendrez avec moi, semble souvent assez prétentieux -, j'ai pourtant cédé à l'invitation pressante d'un éditeur et j'ai noirci beaucoup de papier. Ce faisant, j'ai dû tuer un arbre. J'en suis un peu triste. " Certains auteurs, parlant de leurs ouvrages, disent : " Mon livre, mon commentaire, mon histoire, etc. " Ils feraient mieux de dire : " Notre livre, notre commentaire, notre histoire, etc. " vu que d'ordinaire il y a plus en cela du bien d'autrui que du leur. " C'est Blaise Pascal qui a écrit cela, avant de justifier, dans la phrase suivante, l'existence de ses Pensées. Vous verrez que comme lui - mais le génie en moins, - j'ai fait mon miel de plusieurs penseurs et auteurs qui forcent l'attention et méritent l'admiration ; toutefois, j'en ai souvent usé très librement avec eux. Je vous entraîne donc dans un voyage intérieur qui pourra se prolonger sur quatre saisons, si vous le souhaitez. Si la chose vous agrée mieux, libre à vous de parcourir l'itinéraire plus rapidement. D'une manière ou de l'autre, je vous invite à m'accompagner, non seulement " côté cour ", mais aussi " côté jardin " de chez moi. Vous me découvrirez peut-être même entre les lignes... Je vous laisse le soin de juger si l'entreprise valait un arbre.