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" Comme vous avez une belle voix ! " Le militaire qui s'adresserait ainsi à son supérieur serait taxé de " fou ". La mise en valeur du son constitue dès lors un danger pour l'ordre social. Mais Butor est là qui veille au grain, prêt à jeter son filet et enserrer l'insubordonnée dans les mailles de l'écriture. Aucune frontière ne résiste à celui qui " fait des trous dans les murs ", frontière entre les genres, de la littérature à la musique, entre les époques, de Bach à Charlie Parker...
L'écriture polyphonique mimant le mouvement des chutes du Niagara par exemple permet à Butor d'infiltrer le discours, révélant de nouveaux lieux de sens, qui viennent mettre en question la certitude monodique. Le poète guidé par le son s'engage, nous conduit ainsi " par les fissures de l'enceinte hérissée de tessons et d'antennes " à la découverte des " chambres d'aveux truqués ". De 6 810 000 litres d'eau par seconde, d'Intervalle à Patience, Michel Butor utilise ainsi les " capacités représentatives " de la musique dans l'écrit.
Plusieurs voix parlent en même temps et pour tant une seule s'affirme, celle de l'écrivain-compositeur. La correspondance musique-littérature se fait non plus par le biais de la métaphore mais par la structure, dans la " transmutation de modes de penser ", selon le mot d'ordre de Boulez. La musique, celle qui ne sait pas parler et se situe en dehors de la ratio, apporte désormais au texte une plus-value de sens, faisant fi de l'absurde, la polyphonie parfois confine à la diatribe ! Butor comme les musiciens contemporains fait parler ainsi le monde dans la symbiose des bruits, des sons et des mots pour une signifiance exaltée.