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Evénement majeur de la modernité, la Révolution française fut l'occasion de débats exégétiques passionnés. Parmi les différents protagonistes des controverses philosophico-politiques d'alors, on a coutume de voir en l'auteur des Réflexions sur la révolution de France le héraut de la contre-révolution, et à considérer le philosophe de Königsberg comme le tenant allemand du républicanisme révolutionnaire.
Cet ouvrage entend d'abord caractériser la quasi symétrie qui semble en effet s'établir entre les positions d'Edmond Burke et d'Emmanuel Kant eu égard à la place qu'occupe la Révolution française dans l'histoire. Les principes républicains qu'elle véhicule constituent un critère de condamnation aux yeux de Burke, un critère de légitimation à ceux de Kant. Le nouvel ordre qu'elle établit fonde Kant à espérer en la marche de l'humanité vers le progrès dans l'état de droit, et porte Burke à y voir une aberration volontariste contre le cours des choses.
Mais cette lecture rétrospective se révèle hâtive. A y regarder de plus près, la Révolution française inaugure de sérieuses équivoques chez les deux auteurs, au point que l'on peut suggérer un curieux paradoxe : Burke contre-révolutionnaire n'est pas burkien, et Kant révolutionnaire n'est pas kantien. Nous gageons que cette double contradiction n'est pas uniquement due à des désaccords interprétatifs datant de critiques postérieures à la période révolutionnaire, ni au seul contexte d'écriture.
Elle renvoie plus probablement à des antinomies propres à la Révolution française. En position instable, dans et hors de l'histoire, contre et vers le droit, celle-ci confronte les deux philosophes à une révision complète de l'histoire de la modernité, et donc à un réexamen de leurs propres conceptions de l'histoire et du droit.